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Mais d’abord quelques remarques et réminiscences s’imposent pour la clarté du sujet. On sait que le caractère essentiel des combinaisons chimiques est le rapport parfaitement net et invariable des poids de leurs éléments constituants. Par exemple dans les différents composés oxygénés de l’azote, on constate qu’un même poids d’azote est uni à des masses d’oxygène qui sont respectivement entre elles comme 1,2,3...

De cette loi des proportions définies trouvée en 1803 par Dalton, celui-ci a donné une explication qui est à la base de toute la théorie chimique moderne. Selon lui, les éléments divers sont formés de petites particules insécables ou atomes qui pour un élément donné sont tous identiques. La combinaison chimique de deux éléments résulte de la réunion de leurs atomes.

Les atomes de la chimie moderne sont donc les particules ultimes au delà desquelles la matière cesse d’être divisible par quelque procédé que ce soit, particules dont les propriétés et en particulier le poids différent d’un élément chimique à l’autre. C’est ainsi qu’on a été amené en chimie à définir les poids atomiques et qu’on a déterminé, par exemple, que l’atome d’oxygène pèse 16 fois plus que celui d’hydrogène.

Pour les chimistes du XIXe siècle, les atomes étaient donc irréductibles les uns aux autres et la transmutation devait leur paraître une rêverie absurde, puisqu’il y avait dans les particules ultimes, insécables et inaltérables des divers éléments une spécificité variable de l’un à l’autre.

Si nous remontons pourtant dans un passé plus lointain encore que ce XIXe siècle déjà si loin de nous, on voit que certains philosophes furent d’un autre avis.

Au Ve siècle avant J. -C, certaines écoles philosophiques de la Grèce professaient comme un axiome la simplicité, l’unité nécessaire de tout ce qui existe. Pour concilier cette sorte de monisme avec le changement continuel des êtres que montre l’observation, elles furent amenées à émettre diverses théories où étaient réunies la doctrine de l’invariabilité de l’être et la notion empirique du changement continuel. Ces écoles philosophiques tombèrent d’accord en ceci que l’invariabilité de l’être se borne aux corps élémentaires infiniment petits, invariables et indestructibles, tandis que les changements se ramènent à un déplacement de ces corpuscules entre eux. Mais tandis qu’Empédocle et Anaxagore admettaient la divisibilité indéfinie de la matière, les atomistes et à leur tête Démocrite et Leucippe concevaient