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Williams, reproduit par M. Guido Biagi[1] montre que l’Ariel, d’apparence toute modeste, ne peut se comparer au Bolivar, le yacht opulent dont lord Byron était si lier et que reproduit le même dessin.

À peine en possession de ce charmant Ariel, il n’y eut pas de prouesses auxquelles ne se livrèrent Williams et Shelley ; tantôt c’était en compagnie du Bolivar, et, d’autres fois, c’était avec une téméraire audace, en luttant seuls contre les felouques et les bateaux à voiles des pécheurs de la baie de la Spezia[2], L’on sait comment tout cela finit, et la façon dont périrent Williams et Shelley, le lundi 8 juillet 1822, dans le même golfe, face à Viareggio. Dans la Casa Magni, à ce moment même, auprès de Mary Shelley, était Jane Williams, celle que le poète avait nommée Miranda. Et dans la Tempête, la douce et terrible Tempête de Shakspeare, il y a aussi Miranda, Miranda jouant négligemment avec ses cheveux, et disant à son père Prospero : « Oh ! que j’ai souffert avec ceux que je voyais souffrir ! Un beau vaisseau qui, sans doute, portait dans son sein de nobles créatures, brisé, tout en pièces ! Oh ! le cri de son naufrage a retenti contre mon cœur ! Pauvres infortunés ! ils ont péri. »

À quatre années en deçà de ce jour, alors qu’il composait son triste poème : The Past, Shelley, comme si une autre vision de Shakspeare, la douce Ophélie, se fût montrée à sa vue, avait été assailli tout à coup par le souvenir d’Harriet Westbrook, sa malheureuse femme noyée dans la Serpentine. « Ce sont, avait-il dit avec gémissement, de tels souvenirs qui font du cœur un sépulcre. » Et maintenant, voilà que le sépulcre, le mouvant sépulcre des flots, venait de s’ouvrir de nouveau pour Williams et pour lui ! « Le soir du lundi, relate Mary Shelley, il y eut un ouragan de tonnerre ; » puis d’une plume brisée, d’un trait tremblant, elle ajoute : « le mardi il plut toute la journée ; le

  1. Dans son livre pittoresque : The last days of Percy Bysshe Shelley. New details from unpublished documents. (London, 1898.)
  2. M. Édouard Schuré, qui accomplit, vers 1876, un pèlerinage au lieu même où Shelley périt, écrit que « le souvenir de Byron et de Shelley resta longtemps vivant parmi les marins de la côte. » Un batelier, appelé Moscova, qui s’offrit à conduire le voyageur français, parlait encore, d’après son père qui l’avait connu, de « l’Anglais célèbre. » Et c’est ainsi qu’il peignait le fougueux Byron. sa physionomie ardente, ses cheveux bouclés et fauves : Era un uomo molto ardito, aveva una bella testa e capelli rossi con molti annelli.