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LES CENTENAIRES ROMANTIQUES

LA MORT DE SHELLEY
(8 Juillet 1822)


I

L’auteur de ces lignes, il y a quelques années, suivait à Pise le Lungarno Mediceo, ce quai paisible, assoupi, bordé de blanches et douces façades ornées de fleurs et fermées de volets verts ; quand, devant le palais Toscanelli, jadis palais Lanfranchi, peuplé d’ombres dantesques et qu’une tradition attribua longtemps à Michel-Ange, il se souvint que lord Byron avait donné asile, dans cette demeure, à l’écrivain anglais Leigh Hunt et à sa famille.

Or, il y a cent ans à peu près aujourd’hui que, pour parler à Leigh Hunt, deux femmes se présentèrent à la grille de ce même palais Lanfranchi, sur le Lungarno. L’une de ces femmes était Jane Williams, l’épouse de l’ami intime de Shelley, l’autre était Mary Shelley, la femme du poète.

Toutes deux arrivaient de Lerici après s’être arrêtées à Livourne. Sans nouvelles de leurs maris, qui avaient quitté ce dernier port le 8 juillet, à bord du bateau l’Ariel, elles se montraient l’une et l’autre dans un état d’émotion et d’anxiété extraordinaire. Au bruit qu’elles firent, aux appels qu’elles poussèrent, la servante de la comtesse Guiccioli accourut. « Je montai les escaliers en chancelant, » a dit depuis, dans sa triste lettre à mistress Gisborne, la pauvre Mary Shelley.