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cherchent actuellement à coloniser la Russie et la Pologne, comme ils commencent à reconquérir l’empire commercial des mers. J’ai dit qu’ils attribuaient volontiers une certaine part dans leurs affaires silésiennes aux Anglais et aux Français, à titre d’assurance contre un mouvement hostile, toujours à prévoir. Mais ce n’est nullement pour se procurer des capitaux et les faire rentrer en Allemagne, où cet argent serait exposé à alimenter la caisse des réparations. Non seulement, les capitaux allemands restent en Pologne, mais ils s’y grossissent d’afflux nouveaux et des affaires deviennent en partie allemandes qui, auparavant, ne l’étaient pas. Les fonctionnaires allemands, sachant le polonais, s’efforcent de se maintenir à leur poste, où ils fourniront des cadres tout préparés pour les événements futurs. En même temps qu’ils traitent avec les Anglais ou les Français, les industriels allemands (entent de négocier directement avec le Gouvernement polonais pour racheter de lui le droit d’expropriation au bout de quinze ans qui, autrement, resterait suspendu sur leur tête comme une épée de Damoclès. Enfin, dans les travaux de la Commission de délimitation, les Allemands très habilement ont réussi à reprendre des mines qu’on avait entendu leur enlever. Nous assistons là à tout un travail souterrain, dont on ne saurait encore préciser les manœuvres complexes, mais où l’on reconnaît assez que la Pologne est située dans l’Europe orientale.

Envisagée en elle-même et indépendamment de ces dangers, la question assez délicate de nos participations industrielle en Pologne ou, plus généralement, en Europe centrale, me parait présenter, politiquement aussi bien que financièrement, du pour et du contre et, comme la question est toujours pendante, je voudrais exposer en finissant ces arguments contradictoires.

Politiquement, on voit aussitôt le motif qui fait agir notre diplomatie. Nous avons un intérêt évident à ce qu’il existe une Pologne forte, soustraite à l’influence allemande et à ce que cette Pologne nous sache gré de services rendus. On pense avec raison que les capitaux investis dans un pays y représentent une puissance et que, si beaucoup de grandes affaires polonaises appartiennent, pour une forte part, à des Français, notre influence politique en sera accrue dans le pays. C’est le raisonnement