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« Voyez M. Michaud, et remerciez. Je crois seulement que la citation de l’Abencerage est un peu longue, et fait trop connaître la petite nouvelle. Cela pourrait nuire à la curiosité, et par conséquent à Ladvocat, auquel je pense toujours. Moi qui n’ai plus rien à faire dans ce monde, je suis fort indifférent à tout cela.

« Mme de Chateaubriand partira dans les premiers jours du mois prochain ; je la suivrai de près. Ainsi nous allons nous revoir, et nous embrasser de tout notre cœur dans notre Hermitage. Si la censure était mise, je précipiterais mon retour pour combattre et défendre encore une fois, tout vétéran que je suis, nos pauvres libertés. J’ai des amis qui m’aiment beaucoup à Paris, mais qui ne me donnent pas signe de vie : aussi je ne sais rien, pas même de mon édition et de son effet, que par les journaux.

« Je souffre toujours horriblement. Je marche avec une béquille, et il y a des semaines que je n’ai pas dormi un quart d’heure. Je passe des nuits debout, tant je souffre quand je veux me coucher.

« Est-ce que Ladvocat n’a pas envoyé un exemplaire à l’Aristarque, au Globe et aux autres petits journaux ? Ils n’annoncent pas ! »

Il est beau de mépriser la gloire ; mais ne la méprise pleinement que celui qui, d’abord, l’a pleinement savourée. D’évidence, Chateaubriand, en Suisse, est empêché de la mépriser à fond, faute d’en pouvoir goûter préliminairement l’ivresse. Quoi ! on le publie à Paris ; et il resterait enterré à Lausanne Il en a la fièvre ; il presse aussitôt le retour de sa femme, qui ne doit précéder le sien que de quelques jours :


Lausanne, ce 3 juillet.

u Vous êtes tombé tout à coup dans le plus profond silence : cela nous inquiéterait si nous ne pensions qu’en cas de maladie vous n’auriez pas manqué de nous faire écrire par votre fils. Nous n’en voulons donc qu’à votre paresse.

« Je vous apprends que Mme de Chateaubriand part le 12, et sera le 15 à Paris. Préparez donc son palais. Je ne tarderai pas à la suivre. La pompe va-t-elle bien ? Je crains toujours qu’elle ne soit bien rude et bien lourde[1].

« Je viens de lire l’excellent article de M. Feletz sur l’édition

  1. Il s’agit de la pompe qu’on avait installée au-dessus du puits, dont on avait obstrué l’orifice, dans le jardin de la « petite maison » de la rue d’Enfer.