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le sera à la clôture de la session, vers le 25 du mois prochain. Alors, les annonces dans les journaux indépendants deviendront impossibles, et on lâchera contre l’ouvrage la meute des journaux ministériels. Il faut que Ladvocat, dans son intérêt, songe sérieusement à cela. Dites-lui de m’écrire, et de me tenir au courant de son travail... Dites-lui encore que la troisième, la quatrième, la cinquième, la sixième, et la septième livraisons sont prêtes ; ainsi, que les retards ne viendront pas de moi...

« Nous sommes toujours décidés à vous revenir bientôt, et, si la censure est rétablie, je reviendrai encore plus tôt pour me battre. Mais vous, ne pourriez-vous venir, en attendant, passer quelques jours avec nous, par exemple après la publication de la première livraison ? Vous m’apporteriez les lettres et les paquets de tous nos amis, et vous me diriez où nous en sommes. »

Même impatience et mêmes appréhensions le surlendemain ; des lettres ont manqué au courrier ; et quelles lettres ! celles de Mme Récamier ! Il n’en faut pas davantage pour que Chateaubriand se sente repris par la fiévreuse nostalgie de Paris :


Lausanne, ce mercredi 24 mai.

« J’écris tous les jours à Mme Récamier ; elle ne répond pas un mot. Je suppose qu’elle a oublié d’affranchir ses lettres... Aurons-nous la censure ? Je reviens pour me battre, armé jusqu’aux dents ! »

En attendant, il complète les « remarques » dont il veut enrichir l’Essai sur les Révolutions, « le premier ouvrage de sa vie, » qu’en 1812 la perfidie de la censure impériale avait déterré de l’oubli pour le convaincre publiquement d’incrédulité. Les notes apologiques de 1826 s’allaient-elles heurter aux barrières d’une autre tyrannie ?


Lausanne, ce 2 juin.

... « Je travaille toujours à force. Dieu veuille nous garder de la censure ! Je dis nous mal à propos ; car quant à moi, la censure ne me fait rien et renverserait le ministère. Mais le Roi ! et la monarchie ! Quel mal cela ne leur ferait-il pas !...

« Tout à vous à jamais. »


Un contre-temps vient ralentir cette belle ardeur. Voilà le grand homme atteint d’un de ses maux ordinaires, « d’un rhumatisme dans la jambe qui le fait crier. » Le 7 juin, la