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lancer, d’abord, le 30 mai, la première qui contient la Préface générale, dont l’auteur attend un grand effet, Atala, René, ses deux romans les plus populaires, et le fameux Abencerage, si souvent promis au public, si souvent repris, trop célèbre avant que d’être connu, et connu d’ailleurs, depuis 1811, par un trop grand nombre de « madames » et d’initiés ; le second fascicule renferme, sous le titre Mélanges littéraires, « un choix des articles de critique » éparpillés, depuis 1800, dans le Mercure, le Conservateur, le Journal des Débats... Les livraisons suivantes, de la troisième à la septième incluse, seront plus compactes ; elles offriront au public, dans un texte définitivement arrêté, et orné de préfaces inédites, de notes nouvelles, d’appendices, toutes les grandes œuvres de l’auteur : l’Itinéraire, le Génie, les Martyrs, et cette épopée hybride et magnifique, les Natchez qu’il a tirée, l’an passé, du manuscrit de son ouvrage de jeunesse retrouvé, par un miracle, à Londres...

II a hâte de voir tous ces ouvrages paraître avant la fin de l’année ; il est impatient de constater si la puissance de leur sortilège reste intacte sur la génération nouvelle : va-t-il moissonner le regain abondant de sa gloire, lire encore, dans les journaux, quelques-uns de ces articles si doux à son orgueil ? Mais une menace plane sur la liberté de la presse ; depuis le mois de février on sait que le ministère a conçu, en ses méditations orageuses, le projet d’une loi qui bâillonnerait à peu près les journalistes ; loi « de justice et d’amour ! » comme le garde des sceaux allait bientôt le déclarer en une phrase téméraire ; aux Débats, au Constitutionnel, dans toutes les feuilles suspectes, que pourra-t-on dire des ouvrages d’un homme devenu aussi suspect au pouvoir que Chateaubriand ? Pourra-t-on même les annoncer ? Le temps presse... Il n’y a pas quinze jours que Chateaubriand est à Lausanne ; il a terminé à peu près son travail de mise au point ; il voudrait voir la même activité à l’éditeur Ladvocat ; il lance contre lui le dévoué M. Le Moine :


Lausanne, 22 mai 1826.

« ... Cherchez Ladvocat. Je n’entends plus parler de lui. Demandez-lui quand paraîtra la première livraison annoncée pour le 30 de ce mois. Dites-lui qu’il ferait bien, si l’on doit rétablir la censure, de donner immédiatement la seconde livraison, avant que cette censure soit établie, et je suppose qu’elle