Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 10.djvu/407

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dégoûts qu’il éprouve tous les jours lui ont donné le désir de quitter momentanément son pays, je n’ai rien à lui objecter pour l’en détourner. Mais si cette résolution vient d’une gêne dans ses affaires, ainsi qu’il nous l’a fait entendre, je suis, je vous le dirai franchement, bien peiné qu’il n’en ait rien dit à son neveu. J’ai été abasourdi de sa résolution le jour qu’il me l’a confiée ; nous n’étions pas seuls ; je n’ai pas pu m’ouvrir à lui. Mais je me suis promis aussitôt à mon retour ici de le faire. Depuis deux jours, j’ai pris plusieurs fois la plume pour lui écrire. Je n’ai pas osé. Vous, monsieur, qui connaissez sa position, et le motif qui a principalement décidé sa résolution, veuillez vous charger de lui exprimer combien je suis tout à lui, et combien j’aurais de bonheur si je pouvais lui rendre quelques légers services.

« Si mon oncle veut s’absenter par les motifs dont je vous ai parlé d’abord, ne lui parlez de rien. Mais si sa position de fortune en est la cause, veuillez lui observer combien cela était facile à arranger. Il lui faut cinq ou six mois, dit-il, pour achever la collection de ses ouvrages, après lequel temps il vendra cette collection un bon prix, paiera les dettes qu’il a été obligé de contracter, et fixera son avenir. Eh bien ! mon oncle m’aurait demandé ce qui lui était nécessaire pour gagner ces cinq ou six mois, et tout se serait arrange comme il le dit, facilement, et sans qu’il fût obligé de quitter son pays, sa famille et ses amis. Mais, au reste, il en est temps aujourd’hui, comme il y a huit jours. Que mon oncle veuille bien écouter un avis d’aussi facile exécution, qu’il écrive à ma tante de revenir, et qu’il reste avec nous.

« Si mon oncle hésitait à accepter cette proposition, veuillez, monsieur, lui rappeler que je lui dois assez pour qu’il puisse accepter de moi un peu de reconnaissance ; qu’il m’a transmis sa pairie et, il paraît (d’après ce que ma tante a dit dernièrement à ma femme, ce que nous avions ignoré), la pension attachée à cette pairie ; et que m’ayant donné ainsi honneur et fortune, il peut bien me permettre de l’aider momentanément. Soyez donc donc assez bon, monsieur, pour lire attentivement cette lettre, en bien peser le contenu. Si par la connaissance que vous avez des affaires de mon oncle et de ses vues, vous croyez inutile de lui en parler, veuillez la brûler. Si, au contraire, vous pensez que je puisse être assez heureux pour lui