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de repartir pour Paris. A peine a-t-il pris le temps d’inaugurer le nouveau règne par une brochure retentissante, que le voilà de nouveau, en quête de sa femme ; il a loué pour l’hiver un nouvel appartement rue du Regard ; il faut absolument que la « patronne » vienne l’organiser. Le voilà cheminant vers elle : la ramènera-t-il ? Un billet qu’il dépêche, en route, à M. Le Moine, ne le montre point trop rassuré :


Pontarlier, ce mercredi, 7 heures du soir, 6 octobre.

« Me voilà mon cher monsieur Le Moine, à Pontarlier. Mais la nuit est si noire et si pluvieuse, malgré la lune, que j’arriverai trop tard auprès de notre pauvre pèlerine. Je ne passerai donc la montagne que demain à 4 heures du matin. Vous pouvez me regarder comme arrivé. Dites-le à mes cousines. Je voudrais bien vous ramener la voyageuse, mais je ne sais si je réussirai mieux cette fois que la première. Attendez-moi au plus tôt le 19 ou le 20, au plus tard le 22. Je voudrais bien que tout fût prêt dans notre nouvel appartement pour cette époque. Je vous embrasse, et vais me coucher. »

Deux jours après, c’est un bulletin de triomphe.


Neuchâtel, le 8 octobre 1824.

« Allons, mon cher M. Le Moine, nous avons vaincu ! Ma femme revient. Je serai à Paris du 18 au 21, et Mme de Chateaubriand le 25 ou le 26. Pressez le tapissier et que tout soit fini pour mon arrivée. S’il y a quelque chose à redresser, je le ferai dans les quatre ou cinq jours qui s’écouleront entre mon arrivée et celle de ma femme... »

En signe de concorde, Mme de Chateaubriand a voulu tracer elle-même l’adresse de ce billet... car elle avait beaucoup d’esprit, au témoignage même de son mari...


XII. — LA PUBLICATION DES « ŒUVRES COMPLÈTES » (1826)

C’est l’année 1826 qui, pendant ses premiers mois, vit surgir entre les deux époux le dissentiment le plus prolongé. Depuis le début de l’hiver, et jusqu’en février, Mme de Chateaubriand fut « violemment » malade. Est-ce parce qu’au mois de mai précédent, Mme Récamier, vaincue de loin par les prestiges de