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Vérone, ce 19 novembre.

«... M. de Montmorency nous quitte après-demain 21, et moi j’espère partir dans les premiers jours de décembre. Je suis très coulent ici, et quant aux rumeurs de Paris, vous savez le cas que j’en fais. Amis et ennemis sont souvent très peu raisonnables... Voilà les deux lettres : ne vous trompez pas : portez l’une à l’Abbaye, l’autre à la petite poste... »

Diable ! il faut que « l’autre lettre » soit bien redoutable, — pour Mme Récamier s’entend ; — car la même recommandation est renouvelée plus explicitement encore dès le lendemain : «... Voilà les deux petites lettres. Prenez bien garde aux adresses et ne faites pas de confusion... »

Ce 20 novembre, d’ailleurs, bien qu’il écrive dolemment à Mme Récamier : « ... J’attends un mot de vous avec la plus vive impatience pour régler ma marche et ma destinée, » il est plein de satisfaction sur lui-même : « ... Je n’ai rien à vous dire de nouveau, sinon que je suis de plus en plus content, et que je m’applaudis fort d’être venu ici. Je crois que je pourrai partir vers le 10 du mois prochain [1]... »

Même et meilleure note encore quelques jours plus tard, lorsque, par suite du départ de Mathieu de Montmorency, Chateaubriand est resté le seul plénipotentiaire français : « J’ai reçu votre lettre... . [2] dont vous me parlez, est ici à mes pieds, et je n’ai point à me plaindre de lui. On vous fait mille fagots et ragots. — Attendez-moi. Je suis fort gai et bien portant. Je ne sais trop quel jour j’arriverai, mais je ne puis être longtemps ici. — Voilà les deux petites lettres [3]. »

Le Congrès cependant se traîne encore quelque quinze jours. C’est seulement le « jeudi soir 12 décembre » que Chateaubriand peut griffonner son dernier « communiqué. »

«... Je pars demain, et serai le 20 à Paris. Je suis ici à mer- veilles, et on m’emploie pour grande affaire. »

A « merveilles » en effet, car le tsar Alexandre a convenu de prolonger leurs bonnes relations ; il va entretenir avec lui une correspondance personnelle. Le plénipotentiaire, en partant,

  1. Inédit.
  2. Ici, un nom propre qui n’a pu être déchiffré : Metternich peut-être... Jamais l’écriture si mauvaise de Chateaubriand n’est apparue aussi peu lisible que dans ces billets datés de Vérone, où les lettres sont à peine esquissées.
  3. Vérone, ce 28 novembre.