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tout simplement le plaisir et la fantaisie... Ont-ils rapporté de leur nuit de fête une miette au moins de tout cela ? Non ; ils ont faim, et voici l’aube. Iront-ils aux Halles ? C’est l’heure et la saison où, aux pieds de la ville encore ennuagée, roulent des tonnelets de lis et se déversant des paniers de roses. Non. Ils montent dans l’automobile blanche, et filant dans le matin opalin, ils vont, sous leur déguisement nocturne, boire du café au lait et manger des œufs au lard, sur la route de Saint-Germain, au Coq hardi...

— Et où iras-tu demain ? — demande l’un d’eux à l’une d’elles, — au grand Prix ? Kefalin gagnera... ou Ramus... Et l’empereur d’Annam sera là sûrement et aura l’air d’être venu tout droit du bal de l’Opéra, comme nous ici...

Elle réfléchit une seconde sous son grand tricorne : son manteau d’argent luit dans l’air gris du matin mouillé, auprès de la cape cramoisie.

— Où j’irai ? dit-elle avec un air de délectation sournoise. Je suis soûle de bals, de spectacles et de réjouissances ; éreintée de « galas, » plus que lasse. J’irai voir mon amie Thaïs, aux beaux cheveux incorruptibles ; Thaïs mieux déguisée que moi ; Thaïs charmante momie, qui ne parle, ni ne remue ; Thaïs qui ne va plus dans les fêtes et qui se repose enfin, bien tranquille, au musée Guimet... .


GERARD D’HOUVILLE.