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désir de divertissement tirait les fils. Et leurs ombres les étonnent...

— Au fond, dit l’une, ces fêtes, c’est un peu triste ; c’est l’immense chatoiement de la déception ; déception que, quotidienne, nous n’apercevons que par petits morceaux...

— Oui, dit l’autre ; pour moi le bal de l’Opéra, cela ressemble au Jugement dernier.

— Avec beaucoup d’élus...

— Ils étaient dorés sur tranche, les élus ! Jamais de la vie on n’a vu à la fois tant de messieurs presque nus et entièrement peints en or...

— Et on dit que l’or est rare...

— Tout en or aussi était le personnage Louis quatorzien, frémissant au bout d’une ficelle et tombant sur un pauvre homme figurant un rosier grimpant...

— Mais non ! Voyons ! c’était un cerf...

— Vous avez mal compris ; c’était un rosier.

— Et la belle dame jaune ?

— Le soleil.

— Tiens ! je l’ai prise pour la mer ; elle émergeait d’une coquille...

— Le soleil, vous dis-je...

— Mais non, le soleil tombait sur le rosier...

— Le rosier ne recevait sur ses roses qu’une étoile...

— Ah ! tant pis, je renonce à comprendre.

— C’est plus sage et plus sûr...

— La salle ressemblait à la place Clichy, jour d’exposition de tapis.

— Ne soyez pas toujours injuste et « débineur ; » c’était ravissant, absolument ravissant.

— El le drap mortuaire ? Ça vous réjouit vous, ces choses-là ? S’il y avait eu mon initiale, cela ne m’aurait pas fait passer une bonne soirée ; je suis superstitieuse.

— Pas moi...

Au Garon, entre les colonnes de velours rouge, assis sur les banquettes de même couleur, les beaux masques rêvent. C’est en vain qu’ils ont mis des loups de velours noir ou de peau blanche et qu’ils sont allés au devant de l’inconnu ; ils ont retrouvé « les mêmes » et ne sont à jamais qu’eux-mêmes. Une fois de plus, ils ont espéré rencontrer le bonheur, l’amour ou