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innombrables... Il y a un salon noir et nacré ravissant. ,. Et des bibelots qui ont bien de la cocasserie familière... N’avez-vous pas été ému en voyant dans une vitrine les harnachements des chevaux et voitures de Napoléon III, cette cravache dont il caressait peut-être un cheval favori ? Je ne sais pourquoi, cela évoque très directement un faste quotidien, vivant... Et puis l’exil, le désastre, la mort...

— Voilà ; c’est la vie.

— Ne nous attendrissons pas.

— Que d’amusants et jolis tableaux : les Alfred de Dreux, si pimpants et romanesques, ses amazones si « Julia de Trécœur ; » les Lami si documentés, la voiture à Longchamp de Degas, les courses de Manet où tout est d’un gris tellement « climat de Paris, » les chevaux, le ciel, les gens et les équipages ; et ce Stevens, ce merveilleux Stevens : la femme au cachemire rouge étrusque avec le chapeau noir...

— Et cette amusante aquarelle : le cabinet de toilette de Mme de Castiglione, la coiffeuse de la belle des belles, avec, de chaque côté, des pots de fleurs en terre, tout simples, tout nature ! Cela m’a donné une idée nouvelle de son esprit : il y avait donc en elle, comme en d’autres plus humbles femmes, un petit cœur de Mimi Pinson...

— Avez-vous remarqué le tableau représentant tous ces élégants au balcon du Cercle de la rue Royale ?

— Oh oui ! j’ai compris là le plaisir des hommes au cercle : être débarrassés des femmes... Et vous savez, il y a « Swan » près de la porte...

— Mais oui ; et cette exposition n’est-elle pas tout entière La Recherche du temps perdu ! Avez-vous eu le loisir de regarder les bijoux, les éventails, les pendules, les ombrelles, les robes ?

— Je crois bien ! J’en ai rêvé. J’ai vu un de ces messieurs des Arts décoratifs assis dans le salon bleu vif, près du guéridon ; il était vêtu d’une crinoline ; décolleté en baignoire ; coiffé en bandeaux et boucles ; orné de bijoux ; cela lui seyait très bien, et il agitait un éventail de Morin et faisait faire son portrait par Winterhalter... Lequel ? ah non ! « Si vous croyez que je vais dire... »

— Vous êtes folle !

— C’est bien vrai ! Et voilà ce qui se passe dans nos cervelles quand nous avons regardé un peu trop « d’expositions. »