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habiter ; c’est vaste, frais, ensoleillé... La lumière s’y engouffre comme le bonheur dans une destinée. Lorsque, à propos de la crise des appartements, mon mari me dira : « Nous logerons sous les ponts... » je penserai à ceux-ci et mon cœur restera joyeux.

— Cette vasque, dans ce vestibule dallé, ces portes de verre, cela n’est-il pas assez mystérieux ? Imaginez-vous qui va entrer ?

— Une déception : voici des fêtes. Cette fête de nuit est bien mélancolique.

— Mais celle « de jour » l’est bien davantage encore.

— J’aime ces cyprès, ce jet d’eau, cette statue, le parti-pris vertical de ce jardin... Ils sont admirables, ces cyprès... Tenez, c’est ce que je préfère ici, avec ce panneau que nous avons vu tout à l’heure et qui est le portrait d’un pin.

— Le portrait d’un pin ?

— Mais oui. Pourquoi pas ? Et pourquoi n’organiserait-on pas un jour une exposition de portraits d’arbres ? Il y a bien eu les Cent portraits...

— Très intéressants... les Ricard... le Besnard... le Banville de Renoir, les seins de Mme Z... par Manet...

— ... Alors, pourquoi pas des portraits d’arbres ? Pourquoi toujours des humains, ou des animaux ?...

— Etonnants, les animaux dans l’art chinois au Musée Cernuschi !

— Vous m’interrompez tout le temps !

— Ne prenez pas l’air piqué. Je trouve votre idée excellente et je vois d’ici le catalogue : « Cent des plus beaux portraits d’arbres de Corot, Daubigny, Sisley, Rousseau, Ruysdaël, Diaz, Fragonard, Watteau, Hubert Robert... etc. . etc. . sous la présidence bien parisienne du marronnier du 20 mars... » Cela varierait un peu les expositions.

— Elles sont pourtant assez variées... Il y en a pour tous les goûts et de toutes les couleurs : depuis les Salons, les Maréchaux...

— Prud’hon aux grâces pompéiennes…

— Berthe Morizot qui avait, j’en suis sûr, un papillon comme palette... jusqu’à l’Exposition du Second empire...

— Oh ! celle-là délicieuse, amusante, et même pour une profane comme moi. Et savez-vous qu’on revoit sans déplaisir les fauteuils crapauds et tous ces canapés capitonnés aux nombrils,