Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 10.djvu/390

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lui seul, si petit, la forêt, la mer et la fable ? N’y voyez-vous pas lié un Marsyas minuscule, n’entendez-vous pas soupirer dans ses aiguilles entrecroisées l’écho de ses plaintes éternelles ?

Quant à cet érable, il est si beau avec ses vieilles branches, contournées et noueuses, son feuillage frais trop large pour ses rameaux, qu’on lui a composé, pour qu’il l’abrite, un vrai paysage, prêt à l’églogue.

Il étend son ombre sur une prairie pas plus large qu’un ventre de chatte ; on y a semé des fleurs toutes petites, des herbes naines, des mousses rases. Certes, à l’heure des féeries. Trésor des fèves et Fleur des pois doivent venir s’étendre sur ce gazon et se dire des douceurs sous ce bel arbre ; bêtes et gens, une quantité de personnages que l’on ne voit pas ont peut-être toute une vie liée à sa vie. Et je comprends l’air bridé, soucieux, énigmatique, de l’inquiet Japonais qui garde ces arbres nains, et que doit tourmenter nuit et jour la surveillance impossible de ce peuple microscopique.


CONVERSATIONS

— Je ne sais pas pourquoi je vous suis ainsi d’exposition en exposition... Tous ces tableaux célèbres appartenant à X et à Z ne sont donc jamais chez leurs malheureux possesseurs ? Ils me font songer à ces trop jolies femmes toujours autre part que chez elles, là où on les fête et les admire... Et puis, d’ailleurs, je n’aime pas la peinture.

— Eh quoi ! n’aimez-vous pas ce Moreau qui n’est pas le jeune ?

— Pour le louer, je me souviens malgré moi, des épithètes qu’un aimable vieux diplomate adressait aux jeunes dames en leur caressant les bras ; il disait : « Fin, fin ; délicat. » Je trouve votre Moreau fin, fin, délicat.

— Vous êtes sévère, c’est un très charmant peintre.

— Ses paysages sont tous de la même couleur ; ainsi habille-t-on de même toutes les petites sœurs dans certaines familles. Sa nature est gris bleu une fois pour toutes, comme quelques fonds de tapisserie.

— Bien. Passons aux Hubert Robert ; il y en a ici d’assez plaisants.

— Oui. J’adore ces dessous de ponts ; cela donne envie d’y