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gris ainsi que la mer, les livres aux reliures brunes et fauves, comme le tronc des pins ou beiges comme la grève, les partitions feuilletées, ouvertes ; le piano ; les statues, les dessins, les étoffes ; l’hospitalière petite salle à manger jaune, les vins colorés dans les beaux flacons, les fruits bien groupés dans des plats ou des coupes de jade ; et les bouquets d’œillets blancs, et les tridents pour pêcher le thon et, sur la petite plage, jardin maritime, l’Astrolabe, barque échouée rêvant aux voyages. J’ai évoqué l’Homme pisan, ainsi que l’on nommait le messager, toujours porteur de présents et de belles lettres scellées...

Ah ! toutes ces choses ne sont-elles pas aujourd’hui un souvenir pieux ? Car c’est là dans ce pays aromatique et argenté, aux nacres pâles, souvent brumeux comme les limbes, que le poète, en son exil, attendait l’heure la plus émouvante de sa glorieuse destinée.

Que l’auteur des sublimes Nocturnes, trouve ici, à propos de ce « Mystère composé en rythme français » avec le salut de l’admiration, le souvenir ému de l’amitié fidèle.


ROSERAIE

C’est le crépuscule ; il a plu ; les roses s’effeuillent ; il fallait venir plus tôt pour les voir dans leur gloire. Ainsi j’ai manqué le temps rapide de la glycine de Versailles quand, dans sa splendeur, elle fait songer aux courtines du lit de la Belle au bois dormant et j’ai manqué les aubépines du Luxembourg à l’instant bref de leur floraison. Ne pourrait-on, dans les journaux, nous annoncer ces nouvelles importantes, nous prévenir ? Nous dire : « Courez à tel jardin ; en telle province, les pommiers sont en fleur... telle forêt est bleue de jacinthes ? » Mais on ne nous entretient que des crimes...

Donc, ici, les roses s’effeuillent ; une odeur essentielle se dégage de tout ce déclin et si quelque héros de roman se promenait en ces lieux, les yeux fermés sous un bandeau, il ne pourrait pas ignorer qu’il marche sous des arceaux de roses.

Du blanc au safrané, du rose au framboise, au carmin, à la pourpre, elles s’effeuillent ; elles ont été trop alourdies par les ondées ; leurs rameaux tourmentes par le vent et l’orage ne les ont pas défendues et elles vont toutes mourir en pleine jeunesse,