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appeler la promotion Horace Vernet. Ce sont des soldats de l’Empire, glorieux revenants, après quinze années de sommeil, secouant le suaire blanc qui les enveloppait, se parant à nouveau des trois couleurs éclatantes de leur jeunesse et retrouvant dans le coq qui les surmonte quelque chose de l’oiseau vorace et rapide qui les a guidés jadis... C’est Vaillant, Clauzel, Valée, Bugeaud, Baraguay d’Hilliers, entourés de vieux officiers, souvent d’anciens Égyptiens de Bonaparte, revenus sur le continent africain où ils avaient vu luire leur jeunesse, tout étonnés de commander à des Douair ou à des Coulouglis, au lieu de lanciers et de grenadiers, mais retrouvant devant eux les turcs d’Egypte et les guérillas d’Espagne, et sachant comment s’y prendre pour en triompher.

Voyez le portrait du maréchal Clauzel, un de ces revenants ; « quinze ans de retraite ne lui avaient rien enlevé de son activité ni de sa vigueur. » — « Beau profil, dit un témoin ; il n’a rien de vieux, ni de cassé ; les cheveux seulement gris, les yeux vifs, le mouvement prompt. » En lui, se fait la soudure entre l’armée de l’Empire et celle des princes d’Orléans. Après une affaire heureuse, il dicte cet ordre du jour : « Soldats ! les feux de vos bivouacs qui, des cimes de l’Atlas, semblent en ce moment se confondre avec la lumière des étoiles annoncent à l’Afrique la victoire que vous venez de remporter sur ses fanatiques et barbares défenseurs, et le sort qui les attend. Vous avez combattu comme des géants... Vous êtes les véritables émules des armées de la Révolution et de l’Empire... » A côté de lui, un masque sévère par Horace Vernet, c’est un autre grognard, Valée, maréchal presque malgré lui à la mort de Damrémont, devant Constantine, recevant le bâton comme on reçoit une consigne, « Intègre, a dit de lui Changarnier, peu disposé à vanter ses propres services, détesté des intrigants et des hâbleurs qu’il méprisait, doué d’un esprit très fin, très cultivé, il préférait les lettres à la société des hommes. C’est un des caractères les plus purs que j’aie connus... » Plus loin, Bugeaud, reprenant contre les Kabyles de 1836, sa tactique contre les guérillas de 1812, vigoureux, impérieux, sachant dire ses vérités au pouvoir, écrivant d’Afrique aux ministres : « Ce sont les demi-moyens qui ruinent ; il faut être fort, ou s’en aller. »

La plupart des autres maréchaux coiffés du képi sont formés à cette rude école coloniale. C’est une pépinière de maréchaux