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veux-tu aller faire au milieu de tout cela ? Reste ici. Il faut qu’ils soient bien malades, là-bas, puisqu’ils veulent faire un Roi d’un imbécile comme toi !... »

Voyons l’ « imbécile. » Il se tient tout auprès, son bâton à la main, en grand habit de Cour, cet habit qui lui inspira une de ses plus belles réparties, modestes et fières, qui en revendiquant ce qui lui était dû, et rien que ce qui lui était dû, le mettait à l’ordre du jour et des siècles. La première fois où il le revêtit, raconte le général Lamarque, un Conseiller d’Etat s’approche pour le féliciter et lui dit : « Vous avez là un bien bel habit ! » — « Je crois bien qu’il est beau, répondit Lefebvre, il n’est fini que d’hier et il y a trente-cinq ans que je n’ai cessé d’y travailler ! » Ce mot nous rappelle autre chose : c’est que voici le doyen des maréchaux actifs de l’Empire. Il est l’aîné de la première promotion, hors Sérurier, Kellermann et Pérignon, qui ne devaient plus jouer de rôle. A lui seul, — premier sergent aux gardes-françaises (compagnie de Vaugirard) en 1788, maréchal et duc combattant l’invasion à Montereau, — il suffirait à résumer l’épopée. Son faciès dissymétrique dans le buste, aux yeux très écartés, au menton solide, accuse plus qu’aucun autre peut-être le type plébéien, dans sa force, sa franchise et sa fidélité. L’épopée impériale finie, ces hommes qui l’avaient faite et qu’elle avait faits à son tour, se reverront-ils jamais ? Faisons encore un pas, franchissons une autre porte, entrons chez les maréchaux de l’Algérie, les porteurs de képis, et voyons si les soldats de la nouvelle armée, l’armée coloniale, sont bien différents des anciens...


IV. — LES KÉPIS

Ce sont les mêmes ! L’Empire tombé, Brune assassiné, Berthier tué mystérieusement, d’autres dispersés ou rois dans quelque presqu’île, un régime nouveau, qui est l’Ancien, donnant le bâton à de vieux ducs dont les mérites militaires sont fort obscurs et qui parfois portent des noms bien surprenants pour des maréchaux de France, tels que Hohenlohe-Waldenburg-Bertenstein, il semble que les grognards, forgés aux feux d’Egypte, trempés aux glaces de la Bérésina, sont entrés dans le passé, disparus... Point du tout : regardez ces maréchaux d’Afrique, peints par le peintre de la Smala, ce qu’on pourrait