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trace de cette famille, vue plusieurs années auparavant, Mme d’Abrantès, quand elle dit : « Le général Edouard Mortier logeait dans un grand hôtel rue des Capucines avec sa femme, sa belle-sœur et toute une famille intéressante. Il y avait dans la même maison, Mme César Berthier, dont le mari était sous les ordres du général Mortier. Celui-ci était marié avec une jeune et charmante femme, qui m’inspira de la bienveillance et de l’amitié le premier jour où je la vis. Sans être extrêmement jolie et remarquable dans aucune partie de sa tournure, Mme Mortier plaisait, et plaisait par une expression de douceur, un ensemble de grâce, qui prévenait à l’instant où l’on était présenté à elle. Bonne mère, aimant son intérieur dont il était très difficile de la faire sortir, elle s’occupait avant tout du bonheur domestique de son mari et de sa famille. Elle avait une sœur agréable aussi, peut-être même plus jolie qu’elle... Enfin, dans cette maison, aussitôt que l’on y entrait, on respirait un air de paix et de bonheur.

Avec les couples légendaires pour leur beauté comme les Murat, légendaires pour la chevalerie militaire et la dignité de la vie, comme les Lannes et les Mortier, il y en avait un autre légendaire pour ses mots de comédie. C’est ce qui fait de la chanson de geste napoléonienne un cycle complet où nul rôle ne manque, pas même, hélas ! celui de Modred ou de Ganelon. Le rôle héroï-comique était tenu par les Lefebvre. Nous avons, ici, par bonne fortune, plusieurs excellentes images qui nous les restituent entièrement. Ce n’est pas que ce ne fût là un couple irréprochable, tant par la valeur que par la bonté, l’humanité et la fidélité au malheur. Mais les manières de la maréchale détonnaient, même dans une cour nouvelle, et l’excellente Mme Sans-Gêne était légendaire bien avant Sardou, dont la pièce n’est qu’une sorte de centon des anecdotes qui couraient sur elle dans les salons de l’Empire et comme un type de famille formé par l’accumulation de tous les portraits d’elle que les Mémoires du temps nous ont laissés. Encore n’a-t-il pas tout utilisé, ni chargé son pinceau de toutes les couleurs fournies par les contemporains. Par exemple, il n’a pas fait état de cette particularité la plus extraordinaire de toutes, peut-être, quand on sait le soin de l’Empereur à se former une cour irréprochable : c’est que Catherine Hubscher ou Mme Sans-Gêne fut la première en date des duchesses.