fortune des gens de guerre, tantôt pour le bien du pays, — lorsque celle-ci soutint Maurice de Saxe et celle-là Brissac, — tantôt pour le mal public, toujours un peu au hasard, et pour des raisons fort étrangères au mérite professionnel de leurs protégés. Mais ce n’était pas nécessairement des maréchales. Et c’est celles-ci seules qui ont accès dans ce lieu. En fait, après le XVIe siècle, elles disparaissent : on ne les retrouve plus en nombre que dans la salle de l’Empire.
Ce n’est pas uniquement dû au hasard. Même, si l’on pouvait fouiller et choisir à son gré dans l’histoire, rien au monde, ni dans aucun temps, n’égalerait cet essaim d’abeilles d’or : les femmes des maréchaux de Napoléon. De même qu’ils avaient tous été choisis pour leur bravoure, elles avaient été toutes, ou presque toutes, épousées pour leur beauté ou pour leur grâce. Ç’avait été des mariages d’amour avant la gloire, avant les duchés, avant qu’on pût même soupçonner qu’une pluie de couronnes fermées allait tomber sur ces jolies têtes et jamais sorcières ne furent moins croyables que les diseuses de bonne aventure promettant des trônes aux jeunes filles qui, durant la Terreur, leur donnaient à lire dans leurs petites mains. Et puis, elles étaient jeunes. Il est juste et profond, ce mot du vieil homme d’Etat, loué d’être toujours jeune et répondant avec mélancolie : « Oui, mais ce sont mes voisines de table qui ne le sont plus ! « Il y eut un règne où les places d’honneur étaient occupées par la jeunesse et la beauté : il fut court comme l’une, mais éclatant comme l’autre et légendaire comme toutes les deux. Les seuls mots de français que sût dire l’ambassadeur du Chah de Perse, venu à Paris avec Napoléon après la campagne de Pologne, était, s’il faut en croire la chronique : « Maréchale Ney !... maréchale Ney !... » Tellement l’avaient frappé les grands yeux noirs de la jeune femme, celle dont Mme d’Abrantès devait dire : « Elle possède une qualité fort appréciable et plus rare qu’on ne croit : elle aime le monde et pour elle et pour lui, c’est-à-dire qu’elle se met en frais, afin que les personnes qui l’entourent jouissent de son esprit et de ses charmants talents... Elle joue parfaitement la comédie et chante d’une manière remarquable ; sa voix n’a pas une grande étendue, mais les cordes en sont justes, pures et d’un timbre charmant ; elle prononce bien et je me rappelle toujours avec plaisir le temps où, s’accompagnant de ses petites