Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 10.djvu/375

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les remplacent par la maréchale de Balagny. Quant à celles qui les desservent, nous n’en voyons pas de portraits, car malgré tout ce qu’on a pu dire de Mme Sans-Gêne, il est douteux qu’elle ait été nuisible à Lefebvre, auquel plus d’une fois, au contraire, elle a été de bon conseil.

Une tête étroite, laide, aux lèvres minces, serrées, aux joues plissées et d’un visage tourné et tiré, les cheveux relevés en raquette surmontés de la coiffe noire en escargot, avec voile, le menton pris dans la lingerie blanche d’une fraise empesée, les manches bouffantes en mahoitres pointues par le haut, en un mot, une vieille dame dénuée de charme et fidèle au costume inventé par Catherine de Médicis, qu’elle traduit dans le mode austère : telle est la connétable de Montmorency, Madeleine de Savoie, cousine de François Ier, dont Brantôme a dit : « La connestable estoit de son temps l’une des sages et vertueuses dames qu’on eust sceu voir, » laquelle donna douze enfants à son mari, tous robustes comme lui, qui devaient être l’un connétable aussi, l’autre maréchal et plusieurs vaillants capitaines tués au service du Roi, tous élevés par cette pieuse et prudente personne, dans la méfiance de la lecture qui avait perdu leurs cousins de Coligny, en un mot digne compagne du grand vieux chevalier, à qui elle survécut dix-neuf ans, austère et imposante princesse, sans petite vanité, qui, bien qu’attachée à la cour en qualité de dame d’honneur de la Reine, se soucia peu de suivre la mode, mais, dit Brantôme, « gardoit la vieille françoise qui estoit avec sa robe à longues manches qui monstroit sa grâce fort magistrale. » Voilà bien la femme effacée, mais attentive, qui aide puissamment son mari.

Le type de la femme qui le remplace, est, dans la salle suivante, la maréchale de Balagny célèbre pour l’héroïsme que le maréchal aurait dû avoir. Cette dame, qui nous paraît si vaine de son grand chapeau et de son marabout, l’était encore plus de l’honneur militaire, auquel son mari s’étant résolu à ne sacrifier rien, elle sacrifia tout, peut-être par esprit de contradiction et assurément avec un fort dépit de s’être attachée à la fortune d’un fantoche. Elle avait pu s’y tromper : il s’appelait Jean de Montluc et était un peu neveu du célèbre homme de guerre, étant fils naturel de l’évêque de Valence et de Die, du même nom, homme « fin, délié, trinquant, rompu et corrompu », s’il faut en croire Brantôme, d’ailleurs sentant fortement