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chercheront à prolonger le règne de la poudre. Les collets bleus de velours blanchissent encore çà et là sous un givre parfumé. Mais ce sont les derniers éclats d’un fantastique paradoxe. Peu à peu, les têtes reprennent l’aspect qu’elles avaient sous Henri II, Charles IX et Henri III, jusqu’à nos jours où la tonte « hygiénique » à l’allemande fait ressembler les crânes à ce qu’ils étaient sous Louis XIV, leur perruque ôtée, dans leur cabinet, quand nul ne pouvait les voir. Ainsi, l’on peut augurer très exactement de l’ampleur de l’autorité royale d’après le volume des faux cheveux. La perruque in-folio n’abrite plus aucune pensée d’indépendance chez les grands chefs commandant aux armées.

Sans doute, il y a encore des condottieri : Rantzau, Berwick. Saxe, Lowendal. Car Rantzau est Allemand et chef de reitres, Berwick est Anglais et a servi le roi d’Angleterre et l’empereur d’Autriche avant Louis XIV, Maurice de Saxe est le fils d’Aurore de Kœnigsmark et il a fait ses premières armes contre la France à Malplaquet et à Denain, Lowendal est Danois et c’est seulement à quarante-trois-ans, après s’être dépensé au service de bien des pays, qu’il se met à celui de la France. Mais l’assimilation est complète. Il y a même encore au XVIIIe siècle un fantôme de prétendant agité par des rêves de royaume : Maurice de Saxe. Mais il n’y a plus de rebelles, et les trônes que rêve le vainqueur de Fontenoy sont si chimériques et si lointains que le plus jaloux des Richelieu ne pourrait en prendre ombrage. Ce sont des Icaries ou des Baratarias. La royauté française est, à ce moment, de taille et de force à assimiler tous les métèques. Quant aux descendants des grands rebelles d’autrefois, Us mirent leur grandeur dans celle de Versailles. Montmorency-Luxembourg ne se tient pas de joie d’être nommé, en récompense de son succès de Wœrden, « maître de la garde-robe du Roi, » c’est-à-dire son domestique. Versailles est le seul empyrée où tous ils veuillent siéger. Au milieu des soucis de la terrible campagne de 1709, Villars sollicite ardemment « pour lui porter bonheur » la charge de « premier gentilhomme de la chambre, » devenue vacante par la mort de M. de la Trémoille. Et lorsque Maurice de Saxe vient de remporter l’éclatante victoire de Fontenoy, il accepte comme un honneur, s’il ne le sollicite pas, le droit de séance sur un tabouret devant Leurs Majestés et les enfants de France... » Ah ! les maréchaux de la Ligue et de la Fronde ne