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la protestante se cache sous un masque. Cependant qu’un homme debout, la main sur l’épaule du Grand Pensionnaire, n’attend que le moment où Jean de Witt sera tout à fait mort pour endosser la cuirasse tombée et chasser tous ces intrus de l’hôtel de ville d’Utrecht, où ils sont venus comploter la ruine de la patrie : c’est le prince d’Orange, capitaine général et futur sauveur des Pays-Bas.

Cette satire est à peine outrée. Il faut ouïr La Fontaine, qui écrivait un virelai sur ce sujet en même temps que Gaspard Netscher peignait ce tableau. Le farouche avorton en habit rouge semble ne faire autre chose que de scander la mercuriale du Bonhomme devenu subitement enragé :


C’est vous, pêcheurs de haran,
C’est vous, vendeurs de safran.
Qui prétendez d’un fromage
Faire au soleil un écran ?
Peuple hérétique et maran,
Ennemi du Vatican
Sur qui va fondre l’orage…
La foudre part du nuage
Et va sécher marécage
Rompre digue et ouatergan...
Mandez lettres et message
Chez le Goth et l’Alleman,
Et dans tout le voisinage ;
Criez au meurtre, à l’outrage.
« On me pille, on me saccage ; »
Proposez un arbitrage,
Offrez des places d’otage,
Eussiez-vous pour partisan
Belzébut, Léviathan,
Et les pages de Satan,
Malgré votre tripotage
Et votre patelinage,
Notre roi vaillant et sage
Notre invincible sultan
Ruinera ville et pacage.
Mettra votre or au pillage.
Vos personnes au carcan
Et vos meubles à l’encan...


Pour une fois que La Fontaine essaye d’écrire l’histoire,