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LES MARÉCHAUX
À LA LÉGION D’HONNEUR

II [1]
DEPUIS TURENNE


I. — LES PERRUQUES

En entrant dans la Rotonde du Palais de la Légion d’honneur, toute pleine et débordante de maréchaux de l’ancien régime, Louis XIV et le XVIIIe siècle jusqu’à 1789, éclairée par les hautes fenêtres qui donnent sur la Seine, on éprouve, — d’autant qu’on vient de quitter le XVIe siècle, — une impression d’épanouissement et de lumière. Les figures se sont détendues. Les fraises se sont dénouées, les lèvres se sont ouvertes, les yeux rieurs vous parlent, les mains nous montrent quelque chose. Après les portraits qui se gardent, voici ceux qui s’échangent, posent et font des frais. On ne les conçoit pas ainsi gesticulant et souriant seuls, au fond d’une galerie déserte : pour s’expliquer, ils ont besoin d’un public à qui s’adresser. L’époque de l’individualisme farouche est passée : nous sommes entrés dans le règne de la grâce et de la sociabilité.

En même temps, nous assistons à une transfiguration. Ces chefs d’armée nous apparaissent dans une gloire quasi mythologique. Sur un ciel noir d’orage, parmi les cumulus des satins et des velours, suivis par la nuée flottante des écharpes, la tête prise dans l’auréole des perruques blondes, un éclair luisant sur

  1. Voyez la Revue du 1er juillet.