d’eux avec le P. Wassiliew qui venait de célébrer les offices de Pâques dans la chapelle du palais. Il m’a dit qu’on l’avait laissé plusieurs fois seul avec l’Empereur pour lui faire accomplir ses devoirs religieux et qu’il l’avait d’abord trouvé très morne, très abattu, la voix sourde et cherchant ses mots. Mais, après la communion du jeudi saint, le cher Empereur s’est ranimé subitement. Et ça lui a même inspiré deux jours plus tard, un geste bien touchant ! Vous savez que, dans la nuit de Pâques, après la messe de la Résurrection, tous les fidèles s’embrassent les uns les autres en répétant : « Christ est ressuscité !... » Or, cette nuit-là l’officier de service et quelques hommes de garde s’étaient glissés à la suite de la famille impériale dans la chapelle du palais. Quand la messe a été finie, l’Empereur s’est approché de leur groupe qui se tenait à l’écart et, ne voulant plus voir en eux que des frères chrétiens, il les a tous embrassés pieusement sur la bouche.
A dix heures, je reprends le chemin de Pétrograd.
Samedi, 28 avril.
Ainsi que Milioukow me le disait avant-hier, les socialistes français, Albert Thomas en tête, font ici une belle besogne !
Déconcertés par la froideur injurieuse dans laquelle le Soviet s’obstine à leur égard, ils croient l’amadouer, le séduire par des complaisances, des courbettes, des flatteries. Leur dernière invention est de subordonner à un plébiscite la restitution de l’Alsace-Lorraine à la France. Ils oublient que l’Allemagne n’a pas accepté le plébiscite en 1871 ; ils affectent de ne pas voir qu’une consultation populaire, organisée par l’autorité allemande, serait nécessairement falsifiée, que la première condition d’un scrutin libre serait l’expulsion des Allemands au delà du Rhin, qu’il faut donc vaincre d’abord et à tout prix. Enfin, ils semblent ignorer que la France, en revendiquant l’Alsace-Lorraine, poursuit uniquement la réparation du droit.
La société russe, je parle de la plus haute, est curieuse à observer actuellement.
J’y remarque trois courants d’opinion ou plutôt trois attitudes morales à l’égard de la Révolution.
En principe, toute l’ancienne clientèle du tsarisme, toutes