Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 10.djvu/328

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Vendredi, 27 avril

Désireux de préciser son attitude, Albert Thomas adresse à Ribot un long télégramme :

J’ai admis que M. Paléologue envoyât encore le télégramme d’hier où il reprend son hypothèse d’une défaillance prochaine de la Russie et recommande au Gouvernement une attitude décisive. Ce télégramme sera le dernier. J’entends désormais, sous ma responsabilité, renseigner seul le Gouvernement et fixer avec lui la politique à suivre.

Quelles que soient les difficultés, difficultés terribles, dans lesquelles se débat le Gouvernement provisoire, si forte que soit la poussée des socialistes anti-annexionnistes, ni le sort de la guerre ni celui de l’Alliance ne me semblent menacés.

Voici quelle est, à mon sens, exactement la situation :

Les socialistes somment le Gouvernement et particulièrement M. Kérensky de rédiger une note diplomatique par laquelle les Alliés seraient invités à réviser ensemble leurs buts de guerre. M. Milioukow estime ne pouvoir céder. Entre les deux tendances le Gouvernement est hésitant. Je crois pouvoir m’employer à chercher une solution provisoire qui permette d’abord ce que je considère comme capital, que le Gouvernement actuel ne soit ni ébranlé ni disloqué.

Même si M. Milioukow ne devait pas l’emporter et si le Gouvernement provisoire devait nous faire une proposition de révision des accords, je supplie qu’on ne s’émeuve pas. Nous verrons sans doute encore des incidents, peut-être des troubles. Mais tous ceux qui sont en contact avec l’armée révolutionnaire me confirment qu’une amélioration réelle de la situation se produit progressivement.

Aidé par nos encouragements et notre activité, le patriotisme révolutionnaire peut et doit se dégager. Il ne faut pas qu’une politique imprudente le détourne de nous.

Albert Thomas, que je revois dans la journée, me dit :

— J’ai tenu à bien marquer l’opposition de nos deux thèses. Somme toute, ce qui nous sépare, c’est que vous n’avez pas foi dans la vertu des forces révolutionnaires, tandis que moi, j’y crois absolument.

— Je suis prêt à admettre que, chez les peuples latins et