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Paris, le 13 avril 1917.


Monsieur l’Ambassadeur,

Le Gouvernement a pensé qu’il serait utile d’envoyer en mission extraordinaire à Pétrograd le ministre de l’Armement et des Fabrications de guerre. Vous m’avez fait savoir que M. Albert Thomas, à raison des souvenirs qu’il a laissés en Russie et de l’influence qu’il peut exercer dans certains milieux, serait bien accueilli par le Gouvernement provisoire et en particulier par M. Milioukow.

Pour qu’il puisse exercer son action en toute liberté, je vous prie de vouloir bien revenir en congé en France après vous être entendu avec lui sur le moment de votre départ. Vous remettrez les affaires de l’ambassade à M. Doulcet qui les gérera en qualité de chargé d’affaires, jusqu’à la désignation de votre successeur.

Il a paru au Gouvernement que la situation que vous avez occupée auprès de l’Empereur vous rendrait plus difficile de remplir vos fonctions auprès du Gouvernement actuel. Vous vous rendez compte qu’à un état de chose nouveau, il faut un homme nouveau, et vous m’avez déclaré, dans un sentiment dont j’apprécie toute la délicatesse, que vous étiez prêt à vous effacer dans l’intérêt public, en faisant abstraction de toute considération personnelle. Je tiens à vous remercier de cette preuve de désintéressement qui ne me surprend pas de votre part, et à vous dire en même temps que nous n’oublierons pas les grands services que vous avez rendus à notre pays.

Quand vous serez de retour en France, nous examinerons ensemble quelle situation nous pourrons vous faire, en tenant compte dans la plus large mesure possible de vos intérêts et de vos convenances personnels.

Veuillez recevoir, mon cher Ambassadeur, les assurances de ma haute considération et de mes sentiments les meilleurs.

A. RIBOT.


Ma lecture terminée, je dis à Albert Thomas :

— Cette lettre ne contient rien à quoi je n’acquiesce ou dont je ne sois très touché. Jusqu’à mon départ, qu’il me parait difficile de fixer plus tôt que le 10 mai, je vous aiderai de mon mieux.