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Une fois en possession de moyens de recherche suffisants, Lippmann multiplia ses découvertes.

Dans l’ordre théorique, il formula deux principes nouveaux : celui de la conservation de l’électricité et celui de l’inertie de l’électricité.

Le principe de la conservation de l’électricité était implicitement admis par les physiciens ; nul d’entre eux cependant n’en avait tiré jusque-là de conséquences mathématiques. En le fécondant par les principes de la thermodynamique, Lippmann en fit sortir toute une moisson de formules que l’expérience vérifia rigoureusement ; il les appliqua successivement à la contraction électrique des gaz, à la dilatation électrique des solides, à l’électrisation des cristaux hémièdres par compression ou par réchauffement. Le grand mathématicien Hermite fut très frappé de la sûreté de ces prévisions. Rappelant en 1885 que Lippmann avait pu prévoir et calculer l’allongement de certains cristaux, il disait avec admiration : « Or ces résultats ont été vérifiés plus tard par MM. Pierre et Jacques Curie. C’est peut-être la première fois qu’en électricité le calcul ait devancé l’expérience. »

Plus inattendu est le principe de l’inertie de l’électricité que Lippmann sut déduire de la célèbre expérience par laquelle Rowland avait montré qu’un corps électrisé en mouvement agit sur une aiguille aimantée à la manière d’un courant électrique. Dans une note présentée à l’Académie le 21 juillet 1879, Lippmann démontra que ce phénomène est réversible, et il en tira cette conséquence que l’électricité statique possède une inertie propre qui s’ajoute à celle du corps électrisé. C’est cette idée capitale qui, développée et approfondie par plusieurs générations de chercheurs, est devenue une des bases essentielles des nouvelles théories de la matière. La priorité en revient sans conteste à Lippmann : on l’a trop souvent oublié.

Un autre problème scientifique de première importance auquel Lippmann revint avec prédilection, fut celui des unités électriques absolues. On sait quel progrès avait réalisé vers la fin du XVIIIe siècle le système métrique, en mettant fin à l’inextricable confusion des poids et mesures du vieux continent. Peu à peu il a conquis l’Europe, puis le monde entier. Seuls les