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juifs, — qui traduisaient, commentaient ou abrégeaient les auteurs grecs, latins, égyptiens et syriaques. Tout le reste n’est que billevesées et logomachie. Nos politiciens, qui refuseraient certainement des crédits pour l’érection d’une université thomiste ou d’une basilique du Sacré-Cœur destinée à rallier sous notre drapeau des populations entières, — ces mêmes politiciens gâchent des millions pour affermir les musulmans dans cette conviction que la science islamique est incomparable et irréductible à toute autre, puisqu’il lui faut des temples et des prêtres spéciaux, et qu’enfin l’Islam est appelé à la domination mondiale, puisque les chrétiens eux-mêmes se pâment d’admiration devant « le mystère de l’Islam, » collectionnent pieusement jusqu’aux babouches des croyants et ne sont jamais si fiers que lorsqu’ils courent chez le photographe se faire portraiturer en turban et en burnous. Qu’on dise que l’Islam est le paradis de la sensation et du rêve imprécis : je l’accorde avec empressement ; mais il est la mort de la pensée, comme il est la mort de l’action, parce qu’il surexcite jusqu’à l’abrutissement, la sexualité. Cela ne l’empêche point d’avoir des sursauts et des réveils terribles. Nous faisons tout pour hâter ce réveil, sans vouloir comprendre que nous en serons les premières victimes.

Encore une fois, Paul Adam était trop un voyant pour ne pas se rendre compte du danger. Il le croit lointain, ou il préfère, afin d’exalter les énergies françaises par des conclusions optimistes, détourner la vue de ses lecteurs vers la considération de notre empire africain, de ses forces, de ses ressources, de ses richesses et de son avenir. C’est peut-être le plus sage. Arrêtons-nous donc avec lui sur cette vision fascinante par où se termine son livre : « Demain, la locomotive rendra voisines les eaux de la Méditerranée et celles du Niger, et celles du Congo. Demain, Tunis et Abécher, Alger et Brazzaville, Oran et Dakar seront les préfectures d’un seul empire cohésif, à vingt millions d’habitants. Vingt millions de consommateurs pour les industries de nos ouvriers. Vingt millions d’amis loyaux pour le renforcement de nos armées. Vingt millions de cultivateurs et de pasteurs pour l’enrichissement et l’aise du monde... »