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centres d’agitation anti-française. Ce jour-là un décret suffira pour les fermer. Mais quelle est cette rage d’aller cueillir nous-même les verges destinées à nous fouetter ? Pourquoi nous évertuer à organiser l’Islam, qui ne l’est pas, à islamiser des gens qui n’ont pas envie de l’être, à rapprocher des fanatismes ou des ambitions politiques qui ne peuvent que se liguer contre nous ? Comme si les Musulmans n’avaient pas déjà trop de tendance à s’aboucher en conciliabules séditieux, il faut que nous-mêmes leur fournissions les moyens de se voir et de comploter ensemble en toute sécurité, à notre barbe, avec l’estampille administrative ! Il faut que nous allions chercher à Alger un professeur musulman pour réchauffer le zèle de ses coreligionnaires de Tombouctou. Il faut qu’en plein Paris nous fondions ce qu’on appelle ridiculement une Université musulmane pour permettre aux gens de Boukhara et de Delhi de venir prendre langue, chez nous, avec ceux de Rabat ou de Marrakech ! Au lieu de les européaniser à Paris, nous les convions à s’y musulmaniser davantage ! Sommes-nous fous ou imbéciles ?

Sans doute on croit les tenir et les surveiller plus facilement en leur ouvrant les portes d’une bâtisse administrative et, encore une fois, en les encadrant de chefs, que l’on se flatte d’avoir conquis à l’influence française. Mais tout le monde sait bien que cette surveillance est illusoire. Récemment, en Tunisie, des gens coiffés de super-tarbouches et venus on ne sait d’où, ont parcouru toute la contrée, aux frais de la République, sous prétexte de quêter pour la mosquée de Paris. Qu’ont-ils dit à leurs coreligionnaires ? Personne ne s’en est soucié. Couverts par le pavillon de la métropole, ils ont pu agir et parler impunément sous le nez des autorités locales impuissantes. J’admets la fidélité, le loyalisme de ces intermédiaires. Mais alors, — et pour cela même, — ils sont suspects à leurs coreligionnaires, et ainsi leur intervention n’est qu’une vaine parade.

On alléguera peut-être encore « la science musulmane » à maintenir ou à revivifier : à quoi serviraient nos « Sorbonnes » africaines ou nos médersas et zaouïas parisiennes. C’est un pur badinage. Il n’y a pas de science musulmane, pas plus qu’il n’exista de « science arabe » au Moyen-âge. Ils n’ont eu, à leur plus belle époque, que des compilateurs, la plupart du temps