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que certains de nos paysans, ou de nos ouvriers dégénérés à qui pourtant nous confions des bulletins de vote ?

A quoi il est facile de répondre que ces « blancs » inférieurs ont, au moins sur les noirs ou les Bédouins de même catégorie, cet avantage d’avoir fait leurs preuves de Français, non pas seulement en se battant pour la France, mais en agissant, depuis des siècles, comme Français. D’autre part, la prétendue assimilation par l’école, ou par le matériel et l’extérieur de la civilisation européenne, est un trompe-l’œil qui ne résiste pas à un examen sérieux. Paul Adam qui croyait aux élites, à la domination nécessaire et bienfaisante des élites, n’aurait jamais admis une égalité possible entre les races humaines, pas plus qu’entre les individus. Le nombre n’est rien en face des élites. Qu’on ne vienne pas nous parler, avec un accent de résignation mystique, des millions de noirs, d’Arabes, de Berbères, ou de Maures qui s’opposent à la poignée misérable d’Européens que nous sommes. Sans nous, sans notre faiblesse, ces millions ne peuvent rien. Nous sommes l’argent, la force matérielle, l’intelligence, la justice. Nous avons toutes les armes entre nos mains. Si nous perdons la partie, c’est que nous l’aurons bien voulu, c’est que nous nous serons trahis nous-mêmes par sottise ou par ramollissement de civilisés.

Le malheur, pour la France démocratique, est d’être obligée de démentir dans la pratique des principes absurdes, anti-réels, anti-humains, si elle veut sauver sa puissance à l’extérieur ou même seulement sauver sa propre existence comme nation. La chimère de l’égalité nous oblige à faire des Français de tous nos sujets. Nous n’avons qu’un seul module de civisme, au rebours des Romains, nos prédécesseurs et nos maitres, qui n’admettaient l’accession à la dignité civique qu’après trois ou quatre étapes préparatoires. Le jour où tout homme libre fut déclaré citoyen romain, tout fut perdu. Ouvrons la Cité française à quiconque en est digne, fût-ce en laissant à ces nouveaux citoyens leurs statuts religieux antérieurs, — mais à la condition que ce soit vraiment une élite qui s’agrégera à l’élite française, et non une cohue de barbares déguisés en Français, une tourbe livrée d’avance aux agitateurs, aux marabouts et aux chefs de corps. Cette tourbe elle-même, il est extrêmement important de nous occuper d’elle, d’essayer de l’enrôler dans nos cadres, en lui conférant peu à peu les degrés inférieurs du