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nos besoins communs. La mosquée de terre rouge, sa pyramide hérissée de poutres dépassantes et qu’ornent, à la pointe, trois œufs d’autruche, couvriront encore longtemps des prières naïves et des salams sans commentaires intérieurs.... »

Cinquante ans de fidélité !... On peut estimer un tel optimisme bien modeste. J’avoue mon étonnement de voir Paul Adam admettre, en somme, plus ou moins tacitement, ce préjugé spécieux imposé par une presse inconsciente et accepté, les yeux fermés, par des lecteurs sans expérience ni jugement, — à savoir que les colonies sont faites pour se détacher, un jour ou l’autre, de la Métropole. N’avons-nous pas l’exemple des colonies anglaises ?... Ce sont là de ces comparaisons superficielles qui ne prouvent rien. Ceux qui les font oublient plusieurs choses, c’est d’abord que la seule colonie réellement détachée de l’Angleterre est l’Amérique du Nord, colonie très lointaine à l’époque où se fit la séparation, beaucoup plus lointaine qu’aujourd’hui, en un temps où il ne faut pas beaucoup plus de quatre jours pour aller à New-York. Nous autres nous sommes à vingt-quatre heures de l’Algérie, de la Tunisie, du Maroc. L’hostilité de ces régions, proches voisines, sinon limitrophes de la France, aurait pour nous les plus fâcheuses conséquences. L’hostilité de l’Egypte actuelle, qui pourrait fermer la route principale du commerce anglais, n’est pas envisagée sans crainte par les dirigeants de l’Angleterre, et c’est la raison qui fait que la prétendue indépendance de l’Egypte, soi-disant consentie par le Gouvernement britannique, ne doit être qu’une fiction.

Ajoutons que l’Amérique du Nord et les dominions sont peuplés par des colons de même sang, ou tout au moins de même race, de même civilisation que les hommes de la Métropole : il est juste que les mêmes droits soient accordés aux uns et aux autres. Il en va tout autrement dans les colonies françaises, où les Français et les Européens constituent une infime minorité en face d’indigènes, qui appartiennent à des races ou à dus civilisations fort différentes, ou qui sont encore au dernier stade de la barbarie.

— Mais, dira-t-on, ces indigènes, même les plus arriérés, sont susceptibles d’éducation : ils le prouvent, en fréquentant nos écoles et en conquérant nos diplômes. Supposons même qu’ils veulent rester à l’état de nature. Sont-ils plus incultes