Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 10.djvu/311

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et sénégalais. Il se récrie devant le luxe et l’agrément des bâtisses européennes. Des voitures élégamment attelées, des automobiles resplendissantes, dans toute la fraîcheur de leurs vernis, attendent les fonctionnaires ou leurs visiteurs... « Des villas transparaissent au centre des jardins féeriques. Des gazelles y broutent les pelouses arrosées. Des lionceaux s’y ébattent aux pieds de gracieuses Parisiennes qui reçoivent brillamment, avec leurs maris, les collègues de passage... Il se forme là toute une élite prestigieuse. On y converse de manière éblouissante... »

Ailleurs, il nous montre « les bâtiments administratifs, leurs larges porches ouverts, leurs balcons abrités, leurs commis, leurs soldats, actifs dans les bureaux, visibles sous les jalousies et derrière les arbres superbes des avenues et des boulevards. Une nature de poème encadre ce spectacle d’existences courageuses : exemples que vénère un peuple aux grands fronts luisants, bosselés, rasés. En toges flottantes, bleues, blanches, à pied, à cheval, à baudet, il s’agite délibérément, à moins que, étendu sous les voûtes de feuillage, il ne jouisse de la paix française... »

Il y a bien quelques ombres à ce brillant tableau. M. Robert Randau se charge de nous édifier sur les mœurs et déportements des mercantis, des usuriers qui sucent le sang du pauvre nègre. Quant à celui-ci, il peut être susceptible d’une certaine culture, mais cette culture ne dépasse guère le stade primaire. Les autres, les mieux doués, avec leurs facultés presque simiesques d’imitation, font illusion à l’Européen naïf ou mal averti. C’est une stupeur d’entendre sortir de ces bouches noires les formules de politesse en usage, chez nous, dans le meilleur monde, ou les lieux communs idéologiques dont les munit l’éducation du lycée. Tout cela est sans racines profondes. Elèves de nos écoles, de nos collèges ou de nos facultés, ces noirs pupilles de la France ne voient dans l’instruction qu’elle leur donne qu’un moyen de se pousser à une sinécure, un droit officiel à la paresse. « Bientôt, dit Paul Adam, ils sauront lire les morceaux choisis de nos encyclopédistes, de nos classiques. Molière leur enseignera l’individualisme. Rien ne leur manquera pour devenir les électeurs de parlementaires factieux. Pour l’heure, nous pouvons compter sur cinquante ans de fidélité docile et prête à tout comprendre de