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extrêmement superficielle et à peu près insaisissable. Je renonce à suivre Paul Adam, je l’avoue, lorsqu’il évoque le souvenir de Virgile et de Théocrite à propos des mœurs pastorales et idylliques de ses nègres, ou lorsque, à propos des nudités soudanaises, il rappelle les bronzes d’Herculanum et de Pompéi. Il se peut que les anatomies des ballerines du Tekrour ou des guerriers peuhls soient parfaites en leur genre et revêtent un instant l’apparence d’un doryphore ou d’une canéphore de la statuaire hellénique. Mais il suffit de lever les yeux et de voir le groin bestial, pour que l’illusion soit tuée tout de suite.

Il n’en est pas moins vrai que la théorie historique de Paul Adam est non seulement plausible, mais qu’elle peut donner, dans la pratique, les plus beaux résultats. L’Afrique occidentale et équatoriale a été civilisée surtout par Carthage : telle est la donnée la plus probable de l’histoire. Eh bien ! la France est, en Afrique, l’héritière de Carthage, comme elle y est l’héritière de Rome. Aussi loin que s’étendit l’empire punique, aussi loin doit s’étendre l’hégémonie française. Cette Afrique noire, c’est la Carthage neuve, rouverte par nous, après des millénaires, à la pensée comme aux arts de la Méditerranée et sauvée des hordes esclavagistes qui la dévastaient et l’enfonçaient de plus en plus dans la barbarie : c’est notre Carthage enfin, pour reprendre le titre que Paul Adam a si heureusement choisi pour son livre.

Une telle idée va très loin. Elle illumine tout un passé, une profonde nuit de siècles. Elle affaiblit des haines, dissipe des préjugés. Elle unit et elle rapproche ce que nous avons le plus grand intérêt à unir et à rapprocher de nous. Elle prépare tout un avenir de prospérité et de gloire françaises, fondées sur l’union des races dans une commune pensée civilisatrice !


Voilà donc les Pays noirs non seulement décrits dans leurs aspects, leurs richesses naturelles, leurs humanités diverses, mais aussi replacés dans les cadres méditerranéens.

Ce magnifique empire, — si proche de nous, — comment sûmes-nous le mettre en valeur ? Sur ce sujet, l’admiration de Paul Adam est intarissable, et il sait nous la faire partager. Il vante le confort des chemins de fer et des paquebots nigériens