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d’Austerlitz est un patriote, un Latin fervent qui pousse au suprême degré l’orgueil de sa race et qui veut planter partout le gonfalon de la Latinité.

Et c’est ainsi que Paul Adam a été conduit à rechercher les liens plus ou moins évidents qui rattachent la Nigritie à la civilisation méditerranéenne, à rapprocher la France de son empire noir. Il a tenté pour l’Afrique occidentale ce que j’ai tenté moi-même pour l’Afrique du Nord : montrer que nos civilisations ont des origines communes, que, si nous ne sommes pas les fils naturels des mêmes pères, nous sommes du moins les fils spirituels des mêmes maîtres. Je crois l’avoir prouvé pour l’Afrique du Nord et avoir rétabli sa vraie tradition, en la rendant à la Latinité.

Pour les régions sahariennes et soudanaises, il était un peu plus difficile de trouver entre leur civilisation, — si l’on ose dire, — et la nôtre, des origines communes. Néanmoins, Paul Adam croit pouvoir reconnaître, en Nigritie, au moins quatre grands courants civilisateurs, tous partis des bords de la Médirannée méridionale : un courant égypto-libyque, un autre phénicien parti de Carthage, un troisième judéo-syrien parti de la Cyrénaïque et enfin un quatrième berbéro-latin venu des confins de la Maurétanie, de la Numidie et de la Byzacène. Sans doute il est difficile d’établir historiquement de tels faits. Mais il est certain que l’influence de l’Egypte s’est fait sentir de bonne heure dans les pays soumis à l’hégémonie de Carthage, et que, refoulée peu à peu par l’influence gréco-latine, elle s’est toujours maintenue dans les régions sahariennes. D’autre part, les relations commerciales de Carthage avec le Fezzan, le Soudan et même la côte occidentale de l’Afrique sont non moins certaines. A des dates connues et précisées par les historiens, — en 146, après la chute de la Carthage punique, entre 80 et 117, après diverses répressions des troubles juifs en Cyrénaïque, entre 303 et 311, lors des persécutions de Dioclétien et de Maxence, enfin au Ve et au VIIe siècle, après les invasions vandales et arabes, des émigrations de Liby-Phéniciens, de Juifs, de Berbères chrétiens, c’est-à-dire plus ou moins latinisés, s’acheminèrent vers les régions désertiques, et, de là gagnèrent le centre de l’Afrique.

L’influence civilisatrice de Carthage et de la vieille Egypte paraît manifeste dans les Pays noirs. Celle de la Latinité parait