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quelles visions surtout en demeurent, quel enseignement s’en dégage…


La première impression est d’émerveillement devant l’ampleur de notre empire africain : c’est presque le quart d’un continent. Une demi-douzaine de Frances pourraient s’y mouvoir à l’aise. Dans toute la ferveur de la première découverte, Paul Adam s’émerveille lui aussi devant ces contrées neuves soumises à l’hégémonie française, devant leurs richesses naturelles, leurs ressources de toutes sortes, leur fertilité en hommes et en fruits utilisables, la beauté ou l’étrangeté de leur flore et de leur faune, la splendeur de leurs paysages.

Évidemment, son parti pris est de tout voir en beau. Il laisse à d’autres une critique trop facile. Il néglige le bilan des tares inévitables, pour ne retenir que les résultats heureux, la signification glorieuse et encourageante de l’œuvre entreprise. Pour lui, nos officiers, nos administrateurs sont tous, — ou presque tous, — des héros, des intellectuels de haut vol, ou tout au moins des organisateurs doués d’un rare génie pratique. Les indigènes soumis à leur autorité sont braves, intelligents, très capables en tout cas d’une certaine culture, au moins égaux à la moyenne de nos paysans français. Leurs mœurs sont innocentes et patriarcales. Paul Adam retrouve, en ces pays nègres, le mirage encyclopédiste d’une humanité très voisine de la nature et, à cause de cela, foncièrement bonne. Le rêve de Rousseau, de Diderot, de Bernardin de Saint-Pierre semble réalisé ici. Ce ne sont que danses et chants au clair de Tanit, bacchanales se déroulant le long des cases d’argile, comme sur les panses des vases grecs… Comprenons bien tout de suite que l’auteur n’est pas dupe de ce mirage. Mais il croit devoir le noter, parce qu’il est symbolique d’une grande part de vérité, ou parce qu’il traduit à merveille l’impression du nouveau débarqué.

Rien n’eût été plus facile pour Paul Adam que de brosser en noir sombre la contre-partie de ce tableau enchanteur d’une Nigritie idyllique. Le lecteur, qui voudra s’en donner la peine, n’a qu’à rapprocher de ce dernier livre certaines pages du Trust ; il verra que l’auteur n’a aucune illusion ni sur les noirs, ni sur les négriers qui les exploitent ou qui les administrent.