Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 10.djvu/305

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’on vient de publier, avec une préface de M. le général Mangin, n’est pas seulement une révélation pour la grande majorité des lecteurs, — la révélation d’un empire à peu près inconnu, — mais c’est aussi, à mon avis, le meilleur livre, le plus sain, le plus exaltant, le plus générateur d’énergie, — le plus rempli de confiance dans l’avenir de notre race, — que l’auteur de La Force ait écrit.


Par ses qualités, comme par les défauts inhérents à ces qualités mêmes, Paul Adam, parmi les écrivains contemporains, semblait peut-être le mieux qualifié pour dépeindre des pays comme l’Afrique équatoriale. C’est dire tout de suite combien son livre est touffu, semblable à la forêt nigérienne, pleine de lianes, de reptiles et de babouins, coupée par des bras de fleuves immenses, des marigots et des marécages. Il y a aussi de grands espaces de brousse, de mornes étendues écrasées de soleil. Mais ce fut une idée chère à Paul Adam que les choses ne sont pas simples. Nul ne sait comme lui, par l’accumulation un peu chaotique des détails, imposer l’obsession de cette complexité infinie et irréductible du réel.

Enfin c’est une chose belle à voir que la vaillance de ce puissant esprit aux prises avec un sujet, dont tout autre eût été écrasé, remuant avec aisance des masses énormes d’érudition, de géographie, d’ethnographie, d’histoire, soulevant des brassées de faits et de dates... Et puis, peu à peu, tout se débrouille, des perspectives immenses se creusent, et c’est la splendeur étale, le mouvement large et doux d’un grand fleuve en marche vers la haute mer...

L’auteur ne s’est pas astreint à suivre un plan logique. Il se laisse faire, si l’on petit dire, par les pays et les paysages. Il va de Dakar à Tombouctou, tantôt en chemin de fer, tantôt en bateau à vapeur. Sur la passerelle du paquebot, devant la portière du wagon, il vous livre ses impressions, mais des impressions filtrées par un cerveau muni de science et d’idées, épris comme pas un des vastes synthèses. En essayant de le suivre à travers ses découvertes, ce n’est pas précisément la démarche de sa pensée que nous suivrons. Après avoir fermé son livre, encore tout éblouis par les souvenirs fulgurants et vertigineux du voyageur, nous nous interrogeons, nous cherchons à déterminer