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et leurs architectures propres, dans ce cercle aride et lumineux des montagnes provençales, en face de la mer latine, — elles pourraient porter chacune le nom d’un homme, le nom du Français, grand chef militaire, ou grand administrateur civil, qui en a fait cadeau à la mère patrie, la plupart du temps inconsciente ou ingrate.

Ce qui étonne surtout, dans cette Exposition marseillaise, c’est le faste vraiment asiatique de la Cochinchine et du Tonkin, et peut-être plus encore, — parce que c’est un pays moins connu et que cela tient une place énorme, — notre Afrique occidentale et équatoriale. Le palais consacré à celui-ci est réellement le centre de l’immense parc tout peuplé de pavillons exotiques. La haute tour pyramidale, qui commande l’entrée des salles africaines, domine tout l’horizon marseillais, des îles de Maire à Notre-Dame de la Garde. On est surpris à la vue de ces architectures sénégaliennes, nigériennes et soudanaises. Par l’emploi des pylônes, des formes trapues et massives, des obélisques, d’une certaine ornementation géométrique, elles rappellent l’ancienne Egypte pharaonique. Elles rappellent aussi les bâtisses sahariennes de notre Sud algérien. Mais pourtant elles ont un caractère bien local, qui saisit tout de suite et d’autant plus que notre œil y est moins accoutumé.

On pénètre dans ces bâtisses étranges et qui semblent faites d’une argile dorée, — et les étonnements redoublent devant l’abondance et la variété des richesses, des choses bonnes et utiles, des objets curieux et suggestifs qu’elles renferment, devant la grandeur et l’exubérance tropicale des paysages évoqués. On a là, ramassée dans le raccourci d’une vingtaine de salles, une image symbolique d’un splendide effort français pendant trois quarts de siècle. On devine la peine, le sang, l’argent que tout cela a coûté. On voudrait connaître par le menu l’histoire héroïque et quelquefois lamentable de ce long enfantement de notre grandeur africaine. On se dit qu’il y a là une injustice à réparer, un magnifique exemple à publier aux quatre coins de l’horizon...

Je songeais ainsi, non sans mélancolie, devant les grêles statuettes d’or de l’art nigérien, ces statuettes si semblables à celles de l’art grec primitif, — et voici qu’en rentrant à Paris je trouve mon vœu exaucé par le vigoureux et enthousiaste génie que fut Paul Adam. Notre Carthage, ce livre posthume