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M. Thiers déposait sous le contre-seing de M. Dufaure, garde des Sceaux, le 19 mai 1873, trois jours avant sa chute, affirmait, en son exposé des motifs, que « le président ne peut être le délégué d’une seule assemblée, ni même des deux assemblées réunies. Il descendrait ainsi au rang d’une autorité subordonnée. » Et, après avoir écarté l’élection directe au suffrage universel et le mode employé aux États-Unis des deux degrés d’élection, le projet se ralliait à l’élection par les deux Chambres réunies auxquelles la désignation de chacun des Conseils généraux ajouterait trois membres élus.

C’était s’engager dans une bonne voie avec, semble-t-il, trop de timidité. Le choix du Président de la République ne revêtirait-il pas une gravité et une autorité bien capables de rehausser son prestige, si aux membres du Parlement et aux délégués des Conseils généraux venaient se joindre les représentants des grandes associations professionnelles ouvrières, patronales, agricoles, commerciales, intellectuelles, de l’Institut, des Universités. Un tel mode d’élection ne pourrait qu’accroître encore dans l’intérêt public l’autorité du Président de la République.

Quant à ses pouvoirs, nous ne croyons pas qu’une étude réfléchie et objective des textes permette de conclure à leur insuffisance. On conçoit facilement qu’on y puisse apporter des modifications de détail. On en a déjà suggéré. Envisagés d’ensemble, ils fournissent à l’élu de l’Assemblée nationale les instruments d’une action aisée et féconde.

N’en doutons pas, la Constitution de 1875 n’a entendu faire de l’Elysée, ni une prison ni une maison de retraite.


J. SARRAUTE.