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M. Dufaure par le décret qui désigne le chef du premier ministère appelé au pouvoir sous le régime de la Constitution nouvelle.

En rentrant dans la tradition parlementaire, on ne faisait que se conformer aux exigences mêmes de la loi constitutionnelle. Elle prévoit expressément, nous l’avons vu, que les ministres ont à répondre, devant les Chambres, non seulement de leurs actes personnels, mais, en outre, de la politique générale du Gouvernement.

Tant que le Président de la République pouvait, comme ce fut le cas de M. Thiers, cumuler en sa personne les fonctions présidentielles et la qualité de parlementaire, c’était naturellement à lui qu’il revenait de défendre à la tribune la politique générale du Gouvernement. M. Thiers usa de ce droit. Un jour vint où la majorité de l’Assemblée nationale trouva qu’il en abusait. La loi du 13 mars 1873, signe avant-coureur de la journée du 24 mai, institua un système chinois destiné à réglementer l’apparition à la tribune de l’Assemblée nationale du Président de la République. Il ne pouvait librement communiquer avec l’Assemblée que sous la forme de messages qui seraient lus à la tribune par un ministre. La Constitution de 1875, qui prohibe le cumul du mandat parlementaire avec les fonctions présidentielles, n’a retenu que cette dernière disposition et tout naturellement le président du Conseil des ministres s’est trouvé chargé de défendre à la tribune du Parlement auquel il appartient la politique générale du Gouvernement, délibérée entre le Président de la République, ses collègues et lui.

Car il va de soi que la collaboration du Président avec les membres du Cabinet, base de l’organisation de notre pouvoir exécutif, n’exclut pas des matières sur lesquelles elle s’exerce la politique générale. Celle-ci en constitue forcément le premier objet.

Il n’est pas seulement banal, il est juste d’affirmer que le Président de la République trahirait son devoir en se faisant l’homme d’un parti. Chargé de discerner et de défendre, dans la politique intérieure comme extérieure, les intérêts supérieurs et permanents de la nation, il ne lui est pas permis de se laisser incliner à des préférences personnelles pour un homme ou pour un groupe. Son impartialité est la condition même de son action. Pour qu’elle soit en mesure de s’exercer efficacement,