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« Le pouvoir sera dans une assemblée. Dans une démocratie, il ne peut, il ne doit pas être ailleurs. »

C’est une doctrine. Elle n’a pas prévalu en 1875. Il est permis de se féliciter qu’elle ne l’ait pas emporté, si l’on estime que la séparation des pouvoirs est la garantie indispensable de la souveraineté du peuple et de la liberté. La thèse du pouvoir unique : assemblée ou individu, a, il est vrai, l’avantage de la simplicité. On l’a remarqué, voilà longtemps, pour la première fois : il n’y a rien de si simple que le despotisme. Les institutions libres sont plus compliquées.

Les nôtres, dans la vue de fortifier le pouvoir exécutif, de corriger en quelque manière l’instabilité ministérielle qui est le grand mal du régime, ont placé au-dessus des ministres la Présidence de la République : élément de permanence et de continuité.


Quel argument valable empêcherait le Président de remplir son rôle suivant la lettre et l’esprit de la Constitution, de collaborer avec les ministres, soit dans des entretiens particuliers, soit dans les réunions périodiques du Conseil ? On en chercherait vainement Une raison dans les dispositions que nous venons d’analyser.

Les textes, observera-t-on, sont incomplets : le Président du Conseil n’y est même pas mentionné.

Il n’exista point de Président du Conseil dans les premières années de la République. Membre de l’Assemblée nationale, M. Thiers, même lorsqu’il reçut de la loi du 31 août 1871, le titre de Président de la République française, n’en continua pas moins à remplir les fonctions de Président du Conseil des ministres dont l’avait investi la résolution de l’Assemblée nationale du 17 février 1871, qui le nommait chef du pouvoir exécutif.

Même après la chute de M. Thiers et l’élection à la présidence du maréchal de Mac-Mahon qui ne faisait pourtant point partie de l’Assemblée nationale, on ne connut pas de président du Conseil. Encore en mars 1875, lors de la constitution du ministère Buffet, le décret qui nomme M. Buffet ministre de l’Intérieur dispose, en son article 2, qu’il remplira les fonctions de vice-président du Conseil des ministres. Il faut attendre un an pour qu’apparaisse le titre de président du Conseil conféré à