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être contresigné par un ministre. » Il convient de la reprendre et de l’éclairer, car elle renferme la limitation essentielle, la condition capitale de l’exercice des pouvoirs présidentiels.

Cette disposition a une conséquence qui saule d’abord aux yeux. Elle fait du Président et des Ministres des collaborateurs nés. Aucun acte d’importance, nul décret ne peut voir le jour que du consentement présidentiel.

Se trompera-t-on en déduisant de là que le rôle essentiel du Président, son devoir primordial est de se tenir en contact constant avec les ministres, dont il aura chaque jour à consacrer les initiatives, de provoquer leurs explications, de leur soumettre ses remarques sur les mesures proposées ou en cours, — en un mot comme en cent, de collaborer avec eux.

Ici intervient une autre disposition du statut constitutionnel qui, pour grave qu’elle soit, ne saurait pourtant l’être au point de masquer et d’effacer tout ce qu’il contient par ailleurs et que nous venons d’en extraire. Les ministres, à la différence du Président de la République, sont responsables devant les Chambres, solidairement de la politique générale du Gouvernement et individuellement de leurs actes personnels. Autrement dit, lorsqu’au bas d’un document officiel, soumis donc par définition au contrôle parlementaire. Président et Ministre apposent leur signature, ils engagent tous deux leur responsabilité morale et le ministre, par surcroit, son portefeuille.

C’est assez indiquer que les considérations parlementaires ne seront, et rien n’est plus légitime, étrangères à aucune résolution. L’opinion du Parlement est, en régime parlementaire, un élément nécessaire de décision. Un élément, pas plus.

Il est sans doute une doctrine qui place la souveraineté totale et exclusive dans un pouvoir : celui des Chambres. Elle veut, selon un vieux et pittoresque dicton, que le Parlement puisse tout, hors changer un homme en femme. Son application mène directement à subordonner l’exécutif au pouvoir législatif, devenu le pouvoir tout court ; et, par une conséquence inéluctable, à alléger l’exécutif du poids encombrant et inutile de la Présidence de la République.

Ainsi en jugeait avec une logique inexorable M. Jules Grévy, lorsqu’il demandait en 1848 sa suppression. A l’appui de l’amendement célèbre qui porte son nom, il émettait cette affirmation dont on ne saurait contester la netteté ni l’éclat :