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LA
PRÉSIDENCE DE LA RÉPUBLIQUE

En publiant les pages émouvantes qui expriment la dernière pensée du président Deschanel, la Revue a restitué l’attrait de l’actualité au vieux problème, pour un temps écarté de la scène par des questions d’une urgence plus pressante, de la Présidence de la République.

On n’a pu approcher M. Paul Deschanel durant la brève période où il occupa la première magistrature, sans être douloureusement frappé de la noble et constante angoisse dont l’assaillait le sentiment qu’il s’était formé de la disproportion entre son devoir et son pouvoir. La maladie, sans doute, n’était pas pour diminuer son anxiété. Son discours posthume révèle sur le sujet une opinion ancienne, fortement assise, partagée d’ailleurs par des politiques illustres.

Le duc de Broglie était sorti de la retraite où l’avaient confiné les événements pour donner à la Revue en avril 1894 un brillant morceau de polémique sur les pouvoirs du Président. Il n’y mâche point son opinion. « Etant à la fois par la Constitution de 1875 privé de toute action matérielle par l’irresponsabilité et de toute action morale par la nature de son origine, le Président est en réalité complètement annulé. » Vue qui explique et motive le conseil que l’auteur adresse bénévolement à la majorité républicaine du Parlement : « La fonction étant de celles où il n’y a rien de significatif ni à faire ni à dire, le mieux est de la conférer à celui qui, pour s’en acquitter de bonne grâce, n’aura pas à contraindre sa nature. » La condamnation est formelle. Elle n’est pas sans appel. Quelques mois