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battue pour que cette guerre fût la dernière ; qu’elle avait vu dix de ses départements envahis ; et que, cependant, depuis le Traité de Versailles, quand il s’est agi des réparations, elle était allée de conférence en conférence et de concession en concession ; et qu’on frémit à la pensée de ce qu’auraient été les exigences des Allemands s’ils avaient été vainqueurs ; que, d’ailleurs, on connaissait leurs desseins ; et qu’enfin, pour que le symbole fût complet, il aurait fallu prendre au Louvre, pour la transporter sous l’Arc de Triomphe, à côté de la tombe du Soldat Inconnu, la victoire de Samothrace, victoire aux ailes éployées mais acéphale, victoire mutilée. Mais ces choses il faudrait les dire en anglais, non pas dans deux ou trois villes, mais dans toutes les villes ; et non pas devant des « Alliances françaises, » devant des auditoires sympathiques avertis et d’avance acquis, mais devant des auditoires qu’il s’agirait de renseigner et de convaincre.


Mercredi, 10 mai.

Nous avons quitté Boston depuis dimanche matin ; nous sommes à New-York depuis dimanche soir. Courses, visites, déjeuners, dîners, réception de l’Alliance française. Aujourd’hui c’est le départ. Le consul de France, M. Liébert, vient me chercher à l’hôtel pour m’accompagner au dock de la Compagnie Transatlantique. Chevrillon reste ici encore quelques jours pour voir New-York. Le bateau qui m’emmène est la France. — Venu sur le Paris, je repars sur la France. — C’est un beau vers ! Six heures, nous sommes en route. Lentement, l’énorme bateau descend l’Hudson. C’est la fin d’un beau jour. Il y a dans le ciel et sur l’eau des teintes d’une délicatesse infinie. Je retrouve à bord M. le professeur de Lapersonne, qui est venu avec moi sur le Paris pour le Congrès d’ophtalmologie. Il est enchanté des réceptions qui lui ont été faites à Montréal et à Washington.

Nous regardons New-York, cette effrayante agglomération de maisons de toutes les hauteurs, cette architecture anarchique, les masses cubiques avec leurs fenêtres carrées sans ornements. Ville fantastique, monstrueuse, et qui, ne pouvant plus s’étendre en longueur, s’étend en hauteur, envahit le ciel ! Heureusement qu’il y a dans les campagnes les petites maisons en bois, les petites maisons à véranda, aux couleurs claires. Nous passons devant la statue de la Liberté... la ville s’efface dans une brume rose et mauve... Le fleuve devient plus large. Les cloches des