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de Harvard, la plus ancienne Université américaine. Le reste du temps a été pris par les réceptions, déjeuners, thés, et, partout, chez le Président Lowel comme chez Mrs Thayer’s, chez Mr et Mrs Codman comme chez M. Richardson, l’accueil fut charmant, cordial. Et Mr Robert Grant nous accompagnait partout avec une abnégation parfaite et rien ne peut égaler l’amabilité et la bonté de Mrs Wendell qui avait mis sa voiture à notre disposition. Elle est la veuve de M. Wendell, qui a écrit un très beau livre sur la France. Nous avons rempli le programme, sauf, pour être exact, le sight-seeing du vendredi 5 mai. Comme nous devions parler l’après-midi à la Réunion conjointe et que nous déjeunions en ville, nous avons demandé qu’on voulût bien nous laisser notre matinée, car nous voulions penser un peu à ce que nous allions dire. C’était assez embarrassant : à Washington, M. Jusserand nous avait conseillé, si on nous demandait de parler à Boston, de ne pas toucher à la politique et de leur parler de ce que nous connaissions : Chevrillon de la littérature anglaise et moi de Molière. Mais ici on nous dit à peu près : « Molière et la littérature anglaise, ça nous est égal ; parlez-nous de la France, de la Conférence de Gênes. » Mais avons-nous qualité pour cela ? Et puis que se passe-t-il à la Conférence de Gênes ? Nous n’en savons rien. Elle commençait quand nous avons quitté Paris ; pendant la traversée, nous n’avons connu que quelques radios donnés par le journal du bord et, depuis que nous sommes ici, nous n’avons guère eu le temps de lire les journaux.

Alors nous ne pouvons que répéter ce que tout Français sait et comprend : que la France n’est pas impérialiste, ni militariste ; qu’elle n’avait pas voulu la guerre ; qu’après 1871, pendant quarante ans, elle avait été l’objet de menaces et de vexations continuelles et dans la situation d’un homme à qui un lourd voisin constamment montrerait le poing ou marcherait sur les pieds ; qu’elle avait fait preuve d’une patience incroyable ; qu’à l’automne de 1918, obéissant à des suggestions d’humanité, après la défaite de l’ennemi, elle n’avait pas porté chez lui les représailles pour tous les maux qu’elle avait soufferts, meurtres, incendies, vols, viols, pillages, populations emmenées en captivité, enfants séparés de leurs mères ; mais qu’elle avait arrêté le combat parce, que toujours idéaliste, elle croyait à la Société des Nations, à l’extinction des guerres ; qu’elle s’était