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pas comment les libres citoyens des États-Unis peuvent supporter cette sujétion et cette température. D’ailleurs je vois autour de moi beaucoup de visages congestionnés. Donc on respire mal ; mais, après des journées si remplies, c’est un repos de voir se dérouler des paysages. On peut penser à ce qu’on veut ; parfois on côtoie la mer et on peut rêver.

Arrivée à Washington à six heures. Le secrétaire de l’ambassade nous attend à la gare et nous conduit à Shoreham-Hôtel où nos appartements sont retenus. Chambres surchauffées ; dehors, il fait un temps d’été et, depuis les derniers occupants, les fenêtres n’ont pas été ouvertes. Alors les radiateurs semblaient déchaînés ! C’est étonnant la quantité et la qualité de chaleur que les Américains peuvent supporter. A huit heures, nos malles ne sont pas encore arrivées, et nous devons dîner ce soir chez l’ambassadeur de France ! Comment faire ? Chevrillon téléphone à l’ambassade. M. Jusserand fait répondre : « Ça ne fait rien, venez comme vous êtes. » Et nous arrivons en veston, au milieu de messieurs en habit et de dames en robe décolletée.

Ainsi, Franklin autrefois venait à Versailles et surprenait les dames et les seigneurs de la cour par la simplicité de ses vêtements. Mais, ce soir, personne à l’ambassade n’est étonné.


Dimanche, 30 avril.

J’ai écrit quelques lettres ce matin. Jusqu’ici je n’avais guère eu le temps ; et cette occupation m’a rappelé un conseil que j’avais lu, il y a quelques années, dans je ne sais quel guide pour l’Italie et qui avait fait ma joie. C’était dans un chapitre intitulé : « Quatre jours à Venise. » L’auteur du guide proposait un emploi du temps très strict et on pouvait lire cette phrase : « Le troisième jour, faire sa correspondance ! » J’ai fait ma correspondance. Après déjeuner, la voiture de M. Jusserand vient nous chercher et nous promène à travers la ville. Il fait un temps splendide. Villas entourées de jardins, larges avenues plantées de beaux arbres, squares nombreux où se dressent des statues d’hommes illustres, noble capitole de style corinthien, maisons de proportions européennes, Washington est une très jolie ville. On sait que le plan de la capitale des États-Unis a été dessiné par notre compatriote Charles Lenfant, volontaire de la guerre de l’Indépendance. Le musée indien nous a enchantés ;