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nous n’avons pas le temps de visiter avant déjeuner, » et il ajoute : « C’est ici que vous parlerez tantôt ! » Allons ! le sort en est jeté.

Après un excellent déjeuner à la maison du président avec les professeurs de Princeton, nous avons donc parlé à Nassau-Hall. Une grande salle rectangulaire, éclairée par de hautes fenêtres ; au fond de la salle, une estrade sur laquelle ont pris place Mr Hibben, Mr Sloane, Chevrillon et moi. Sur les côtés de la salle, des gradins sur lesquels se sont assis les professeurs en robe et bonnet carré. Le président a fait un discours en anglais ; j’ai attrapé quelques mots au passage, entre autres mon nom, celui de Molière, French Academy, etc. Comme j’avais tout lieu de penser que Mr Hibben ne m’avait pas dit de choses désagréables, je l’ai remercié ; puis j’ai parlé à bâtons rompus de Molière, de l’Académie française, de l’art dramatique, de l’amitié entre la France et l’Amérique. Chevrillon a parlé en anglais, Mr Sloane a parlé en anglais. Puis la séance a été levée. Dans le vestibule, à côté de la porte, nous lisons des noms sur une grande plaque de marbre ; ce sont les noms des élèves de Princeton qui ont été tués pendant la guerre. Cette plaque commémorative, on nous l’avait bien signalée en entrant, en passant, mais ni Chevrillon ni moi n’y avons fait allusion. Des orateurs plus entraînés en auraient profité, en auraient tiré un parti émouvant, une péroraison reconnaissante. Et nous regrettons de n’y avoir point pensé ; mais il est trop tard.

Un automobile nous attend et accompagnés par deux jeunes professeurs qui parlent très bien français et dont l’un d’ailleurs est un compatriote, nous roulons vers Philadelphie. En traversant une ville où il y a beaucoup d’Israélites, d’Italiens, et de nègres, nous apercevons un Indien sur un trottoir, un véritable Indien. Il n’y en a plus beaucoup, et pour un que nous rencontrons, nous ne nous arrêtons pas pour le regarder ! Quel dommage ! Tout le long de la route nous voyons les petites maisons de style colonial si plaisantes avec leur véranda. A un moment nous empruntons la grande route dure, noire et luisante, route d’automobiles qui va de New-York à San-Francisco et vers six heures, par une avenue qui a trois fois la largeur de nos Champs-Elysées, nous arrivons à Philadelphie.

Nous descendons d’abord chez Mr Owen Whister, le célèbre