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programme paraît réalisable. Mais les pangermanistes, dont l’appoint est nécessaire à la majorité, laisseront-ils au Dr Seipel la liberté de ses mouvements ? Il doit du moins pouvoir compter sur l’énergique appui de la diplomatie et de la finance de l’Entente. Le maintien d’une Autriche indépendante, inscrit dans les traités, est un axiome de la politique française. C’en est un autre que la reconstruction économique de l’Europe danubienne. Qui veut la fin veut les moyens. C’est toute la question de l’équilibre en Europe, de la sécurité et de la paix qui est en jeu dans cette belle ville de Vienne, qui ne sera plus la capitale d’un grand empire, mais qui ne tombera pas au rang de vassale de Berlin, et qui restera, à la tête de la petite république, un centre économique et un foyer rayonnant d’art et de haute culture.

La mort de M. Take Jonesco prive la Roumanie d’un de ses grands citoyens, la France d’un ami éprouvé, l’Europe d’un homme d’État éminent, qui avait prévu les grands bouleversements de 1914, qui y avait préparé son pays et qui, depuis l’armistice, était devenu l’un des bons ouvriers de la reconstruction. La France partage les deuils et les joies du peuple roumain. Nous ne pouvions, ici, laisser disparaître Take Jonesco sans saluer avec une douloureuse émotion sa mémoire.

Le Congrès argentin vient d’élire Président de la République, M. Marcelo de Alvear, ministre plénipotentiaire à Paris. En élevant à la première magistrature de leur pays l’un des membres d’une des plus vieilles familles aristocratiques de Buenos Aires, les « radicaux » argentins ont concilié les aspirations ardentes de leur démocratie et les qualités de sagesse, de prudence diplomatique et de haute distinction indispensables à un chef d’État qui détient un pouvoir quasi dictatorial. La France se réjouit sans réserve de cette élection. Elle se rappelle que, durant la guerre, le nouveau Président ne négligea aucune occasion de témoigner au pays envahi une sympathie qui, élargissant la politique en laquelle se confinait son Gouvernement, traduisait les sentiments intimes de la nation argentine ; qu’à la Société des Nations, il ne dissimula pas son opinion sur les déclarations, plus démesurées qu’hostiles d’ailleurs, de M. Pueyrredon ; qu’enfin, par sa haute culture, son exquise urbanité et sa large compréhension de la politique, il a conquis la société parisienne.


RENÉ Pinon.


Le Directeur-Gérant :

RENÉ DOUMIC.