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des services publics ; ce sera le prélude du rattachement. Le président du Reichstag-, M. Lœbe, invitait M. Bauer à venir conférer avec lui à Berlin. A Vienne, on crut que le rattachement allait s’opérer et ce peuple qui a trop souffert en acceptait sans joie, mais sans résistance, la perspective. Mais on n’ignore pas, en Allemagne, que la réunion de l’Autriche est interdite, que d’ailleurs elle serait un désastre économique et financier, et que la Commission des réparations n’est pas disposée à admettre que l’Allemagne dispose de seize milliards de marks pour violer un article formel du Traité de Versailles. Les Allemands se contentent, pour le moment, de multiplier les manifestations de fraternité, d’acclamer les chanteurs viennois en tournée, et d’acheter, chaque fois qu’ils en trouvent l’occasion, les grandes firmes autrichiennes, comme la Société générale d’électricité (M. Rathenau) l’a fait récemment pour les usines de Wellersdorf et M. Stinnes pour l’Alpine ; mais ils se gardent de soulever la question du rattachement. Cette prudence et les appréhensions que leur inspire la politique de socialisation ont décidé les pangermanistes d’Autriche à prêter leur concours à un nouveau Cabinet bourgeois où les chrétiens-sociaux auraient la majorité. Le président du parti chrétien-social, le Dr Seipel, comprit que l’heure était venue pour lui des initiatives et des responsabilités.

Mgr Seipel, prélat romain, né à Vienne en 1876, est un théologien, un sociologue, un juriste ; ses ouvrages (par exemple : Nation und Staat, 1916) font autorité ; il était professeur à l’Université de Vienne quand, en octobre 1918, il devint ministre de la prévoyance sociale dans le dernier cabinet impérial, présidé par M. Lammasch ; ceux qui, comme nous, ont eu l’occasion de l’approcher, ont conservé de lui l’impression d’un homme de ferme bon sens, de haute droiture, de caractère élevé. Si quelqu’un peut sauver l’Autriche, c’est lui. Le 30 mai, il a constitué son cabinet et l’a fait élire par le Conseil national (101 voix contre 58) ; il est composé de 7 chrétiens sociaux, 3 pangermanistes, un fonctionnaire, M. Grünberger, aux Affaires étrangères. C’est, dit la Reichspost, « une tentative pour sauver l’État à la dernière minute. » Mgr Seipel a exposé son programme : économiser, augmenter les impôts, émettre un emprunt intérieur, réduire le nombre des fonctionnaires, ranimer la production, surtout créer une nouvelle banque d’émission, indépendante de l’État, qui aurait le privilège de l’émission du nouveau papier ; le capital, 100 millions de francs suisses, serait formé par les souscriptions des banques et une partie des avances votées par les Parlements de l’Entente. Ce