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nous répondons que, l’Angleterre possédant Gibraltar et l’Espagne Ceuta, il n’est que juste que la France, qui a d’immenses étendues de côtes méditerranéennes, exerce, elle aussi, une influence prépondérante sur l’un des ports du détroit que d’ailleurs les conventions internationales interdisent de fortifier. La diplomatie britannique se plaint que la construction du port de Tanger ait été concédée à une société en majorité française ; mais l’adjudication a été faite régulièrement, conformément à l’acte d’Algésiras qui reste en vigueur, et le Sultan a le droit incontestable d’accorder des concessions. La solution de ces difficultés, une note récente du quai d’Orsay indique qu’il serait logique de la chercher, conformément à l’esprit des accords de 1904, dans une négociation qui associerait le règlement de la question de Tanger à celui de la question du canal de Suez. La guerre a permis aux Anglais d’acquérir sur le canal, par l’occupation militaire, une situation de fait qui n’est pas réglée en droit ; l’Angleterre ayant renoncé au protectorat de l’Egypte et le Traité de Sèvres n’étant pas ratifié, la convention de Constantinople du 28 octobre 1888 reste en vigueur ; elle intéresse d’ailleurs toutes les nations, puisqu’elle garantit et réglemente la liberté de la navigation dans le canal [1]. Il y a là matière à négociations, à transactions, qui seront conduites dans l’esprit le plus amical, mais qu’il est nécessaire d’aborder.

En Autriche, un nouveau chancelier et un nouveau ministère viennent d’assumer courageusement la lourde tâche du Gouvernement. Cette suprême tentative pour rétablir l’ordre dans les finances de la nouvelle République mérite d’être énergiquement soutenue par tous les moyens dont disposent l’Entente et la Petite Entente. L’avenir de l’Autriche indépendante n’est pas désespéré ; les métiers travaillent, la terre produit, le chômage est restreint ; c’est la situation financière et monétaire qui est désastreuse et offre aux pangermanistes l’occasion d’une propagande acharnée. La circulation fiduciaire atteignait, le 23 mai, 366 milliards de couronnes et augmentait régulièrement de quinze milliards par semaine ; à la fin de mai, la couronne, qui s’était tenue assez longtemps à 0 centime 08 tombait à 0,04, dépassée seulement dans cette course à l’abîme par le papier bolchéviste. Le chancelier Schober conduisit à Gênes des négociations utiles et put constater qu’il avait conquis l’estime et la confiance de l’Europe ; MM. Ninlchitch, Bratiano et Benès lui promirent

  1. Voyez, dans la Revue du 1er février 1921, page 592, l’exposé que nous avons donné de cette question.